Résumé : Notre travail porte sur tous les cas UB enregistrés entre 1997 et 2003 au Centre Sanitaire Nutritionnel Gbemoten (CSNG) de Zagnanado dans la région du Zou au Bénin. Une base de données a été créée et a permis d’analyser divers aspects de l’UB. Ces analyses ont donné lieu à diverses publications dont les résultats essentiels sont repris ci-dessous.

Une première publication porte sur 1700 cas consécutifs admis au CSNG entre 1997 et 2001. Ces données nous ont permis d’illustrer l’évolution du nombre des cas d’UB au cours des années, par département et par sous-préfecture. Le nombre de patients UB qui se présentent au centre est fonction de différents facteurs comme par exemple l’ouverture d’autres centres de traitement, l’organisation de campagnes d’information sur l’UB mais aussi de changements dans l’environnement. Au niveau des formes de la maladie, nous avons montré que les formes non ulcérées sont aussi fréquentes que les formes ulcérées. La forme de la maladie est liée au délai à consulter le CSNG. Les atteintes osseuses sont fréquentes et sont présentes chez plus de 13% des cas. Au fil des années, le délai à consulter le CSNG ainsi que la durée de l’hospitalisation ont été fortement réduits, passant de 4 mois à 1 mois dans le premier cas et de 9 mois à 1 mois en ce qui concerne l’hospitalisation. Les personnes ressources à cibler lors des campagnes de sensibilisation sur la maladie ont été identifiées. Il s’agit des anciens malades, qui dans 68% des cas, réfèrent les nouveaux malades au CSNG.

Une deuxième publication, portant sur la même période, nous a permis de mettre en évidence pour la première fois des taux d’UB élevés chez les sujets de 60 ans et plus, probablement du fait d’une diminution de leur immunité. Chez les 60 ans et plus, les hommes sont plus à risque de développer un UB que les femmes. Par contre aucune différence dans le risque d’UB en fonction du sexe n’est trouvée chez les moins de 60 ans. Les lésions d’UB prédominent au niveau des membres inférieurs pour tous les groupes d’âge. Du fait de leur petite stature, les enfants ont une répartition des lésions qui touchent tout le corps. Chez les adultes, les femmes présentent plus de lésions que les hommes au niveau de la tête, du cou et du tronc. Les sujets de moins de 15 ans développent souvent des lésions multifocales, associées à des atteintes osseuses. Ces atteintes osseuses constituent les formes graves de la maladie.

Notre troisième publication porte sur le suivi des malades au niveau des villages, entre mars 2000 et février 2001, afin de déterminer les taux de récurrences de l’UB. Le taux de récurrence de la maladie est faible (6.1%) pour un temps de suivi des malades allant jusqu’à 7 ans. La majorité des malades soignés au CSNG étaient en bonne santé. Nous n’avons néanmoins pu retrouver qu’un nombre limité de malades.

Dans notre quatrième publication, nous avons pu mettre en évidence le développement d’un UB sur le site d’une morsure humaine. La surface de la peau du malade a pu être contaminée par M. ulcerans et la morsure (= traumatisme) a occasionné l’entrée de M. ulcerans dans le derme. Une autre explication plausible est que la morsure ait réactivé un foyer latent de M. ulcerans au niveau du site de la morsure.

Notre base de données nous a également permis de contribuer à d’autres études, notamment celles sur l’influence du BCG et de la schistosomiase sur l’UB. Dans les deux cas, nous trouvons une association significative avec les formes graves de l’UB, l’absence de vaccination BCG et la schistosomiase favorisant le développement de formes osseuses. Aucun lien n’a pu être établi entre la présence ou l’absence de l’infection à Schistosoma haematobium et l’UB.

Dans la dernière partie de notre travail, nous nous sommes attachés à l’étude de quelques facteurs de risque de l’UB. Nous avons montré que l’UB est essentiellement associé à l’âge, le lieu de résidence et le type d’eau utilisé. Pour les sujets de 5 ans et plus, le risque d’UB est plus élevé chez les sujets vaccinés à la naissance avec le BCG. L’analyse par strate d’âge des sujets âgés de 5 ans et plus, nous a permis de voir que dans le groupe des 50 ans et plus l’influence du type d’eau utilisé est moindre que dans les autres groupes d’âge, laissant envisager qu’un autre facteur entre en jeu : une réactivation de la maladie à la faveur d’une baisse d’immunité.

Notre étude démontre que la prise en charge de l’UB doit être pluridisciplinaire et doit pouvoir englober diverses interventions telles que :

- les campagnes d’information à la population,

- la formation du personnel sanitaire ainsi qu’une implication de l’état,

- une bonne prise en charge des malades au niveau des centres de traitement de l’UB en collaboration avec les laboratoires régionaux et internationaux,

- la confirmation microbiologique des cas,

- la mise en place d’un suivi des malades en s’appuyant sur les structures déjà mises en place pour d’autres maladies,

- la mise à disposition des populations de sources d’eau potable (puits, pompes) qui par la même occasion permettront de limiter/diminuer d’autres affections liées à la consommation d’eau non potable,

- la poursuite des activités de recherche sur un éventuel vaccin ou une médication appropriée, ainsi que sur le réservoir de M. ulcerans afin de pouvoir mettre en place des stratégies de prévention de la maladie.