Résumé : Le rôle majeur de l’Helicobacter pylori dans l’étiopathogénie des maladies gastroduodénales (gastrite, ulcère gastrique et duodénal, lymphome gastrique) est bien établi aujourd’hui. L’OMS l’a reconnue comme jouant un rôle important dans la survenue des lésions cancéreuses gastriques. La prévalence de l’infection à H. pylori varie selon les pays de 20% à 90% avec des taux supérieurs à 60% dans les pays en développement, dont le Bénin. Les méthodes usuelles de diagnostic sont soit invasives nécessitant une endoscopie gastrique avec biopsies (test rapide à l’urée, histologie, culture et PCR), soit non-invasives (test respiratoire à l’urée marquée au carbone, sérologie, et détection de l’antigène dans les selles). La trithérapie associant un inhibiteur de la pompe à protons (IPP) et deux antibiotiques choisis parmi l’amoxicilline, la clarithromycine et le métronidazole est recommandée pour son traitement. La survenue de résistance des souches H. pylori aux différents antibiotiques devient une cause majeure de l’échec des régimes d’éradication.

Afin d’évaluer l’applicabilité et l’efficacité des régimes thérapeutiques recommandés en pratique courante, et à partir d’une étude de cohorte prospective, nous avons étudié la prévalence de l’infection à H. pylori chez les patients consultant à la clinique de Gastroentérologie de l’hôpital universitaire Erasme à Bruxelles, déterminé son taux de résistance primaire aux antibiotiques, et évalué le taux d’éradication d’H. pylori par la trithérapie. Nous avons aussi évalué la performance du test de détection de l’antigène d’H. pylori dans les selles pour le diagnostic chez l’adulte (avant traitement) comparé avec les méthodes de référence (culture, histologie), également dans le contrôle de l’éradication.

Au Bénin, nous avons évalué à partir d’une étude transversale prospective, la prévalence de l’infection à H. pylori dans une population en milieu urbain et rural. Nous avons déterminé la distribution par famille des sujets infectés, ainsi que l’influence des variables démographiques individuelles, et les caractéristiques socio-économiques familiales sur le risque de l’infection.

La prévalence de résistance primaire à la clarithromycine et au métronidazole fut observée respectivement dans 3% et 31% des souches isolées. Aucune résistance primaire à l’amoxicilline et à la tétracycline n’a été observée.

Les analyses en intention de traiter, ont montré que H. pylori a été éradiqué chez 80% des patients inclus dans l’étude thérapeutique. Le taux d’échec d’éradication fut de 20%. Comparé au 14C-TRU, le test HpSA avait une sensibilité de 100%, une spécificité de 91%, VPP de 69%, VPN de 100%. De même, la sensibilité du test HpSA par rapport aux deux méthodes usuelles (culture et histologie) est de 96.5% pour une spécificité de 91.2%, une VPP de 90.3% et une VPN de 96.8%.

Au Bénin, la prévalence de H. pylori était de 75.4% en ville et de 72.3% dans le village (p = 0.459). Aucune association n’a été observée avec l’âge, le sexe, le niveau d’instruction, la taille du ménage, l’activité économique ou le mode d’approvisionnement en eau potable. Le taux d’infection était plus élevé chez les enfants dont les parents étaient infectés et chez ceux ayant une mère H. pylori positive (p < 0.001). L’analyse multivariée par régression logistique a montré que la densité d’occupation des dortoirs [OR (95%) = 9.82 (4.13-23.31)] p < 0.001), et le statut des mères dans le ménage ([OR (95%) = 3.85 (1.53-9.67)] p < 0.001) étaient les prédicteurs indépendants de l’infection par H. pylori. Le risque de l’infection chez les enfants était 13 fois plus élevé quand les deux parents sont simultanément positifs OR (95% CI) = 13.6 (3.63-51.22), il l’était respectivement de 5.3 (1.52-18.45); 2.7 (0.47-15.44), quand la mère et le père sont positifs p < 0.001. Aussi le risque d’infection à H. pylori comparé aux enfants qui dorment seul dans leur chambre, était élevé pour ceux qui dorment avec un ou deux personnes OR (95% CI) = 5.2 (1.08-25.16), p < 0.05, et plus élevé chez les enfants qui dorment à 4 ou plus OR (95% CI) = 16.6 (2.66-103.44), p < 0.005, comparé à ceux qui dorme seuls. Donc, le contact avec des personnes infectées au sein de la famille et la vie en promiscuité, étaient associés avec un risque d’infection plus élevé indiquant une transmission intrafamiliale de l’infection par H. pylori.

En conclusion, nos résultats montrent une séroprévalence encore élevée de l’infection à H. pylori dans la population béninoise. Une surveillance de l’épidémiologie accompagnée de mesures de prévention ciblées sur les facteurs potentiels de risque de l’infection doit être poursuivie. La validation du test de détection de l’antigène dans les selles avant traitement et dans le contrôle de l’éradication de la bactérie pour le suivi thérapeutique des patients infectés, est une alternative intéressante notamment au Bénin. Le taux de résistance primaire pour le métronidazole est actuellement stable en Belgique, alors que la prévalence de la résistance à la clarithromycine mérite d’être précisée par d’autres études multicentriques. La trithérapie classique à base d’inhibiteur de la pompe à protons–amoxicilline-clarithromycine reste recommandable en première intention. La surveillance épidémiologique de l’infection basée sur la prévalence locale des souches clarithro-résistantes et métronidazole-résistantes devrait être poursuivie.

SUMMARY OF THE THESIS

The major role of H. pylori in the etiopathogeny of various gastroduodenal diseases (gastritis, gastric and duodenal ulcers, gastric lymphoma) is well established today. The World Health Organization concluded that H. pylori plays a causal role in the chain of events leading to cancer of the stomach.

The prevalence of H. pylori infection varies by country from 20% to 90%, with higher prevalence rates over 60% observed in developing countries, including Bénin. The usual methods allowing the diagnosis of the gastric infection by H. pylori are either invasive, requiring a gastric endoscopy and biopsies (fast urease test, anatomopathological examination, culture and PCR), or noninvasive (breath test with 13C or 14C marked urea, serology and stool antigen detection). Triple therapy associating a proton pump inhibitor (PPI) with two antibiotics, chosen between amoxicillin, clarithromycin and metronidazole, is currently recommended. Resistance of H. pylori strains to antibiotics becomes a major determinant in the failure of eradication of regimens.

To evaluate the applicability and efficacy of the therapeutic recommendations in our pratice, based on a prospective study, we studied the prevalence of H. pylori infection in the outpatient population of the Gastroenterology clinic at the Erasme University hospital in Brussels, determined its rate of primary resistance to antimicrobial agents and evaluated the rate of eradication of H. pylori by triple therapy. We also evaluated the performance of a stool antigen detection test for the diagnosis of H. pylori infection in adults (before treatment) compared with reference methods (culture and histology) as well as in control of eradication.

In Benin, we evaluated by a cross-sectional study the prevalence of the infection with H. pylori in the population living in urban and rural environment. We determined the family distribution of infected subjects as well as the influence of individual demographic variables and of the socio-economic family characteristics on the risk of infection.

In Brussels, primary resistance to clarithromycin and metronidazole was observed in 3% and 31% of the isolates, respectively. No primary resistance to amoxicillin and tetracycline was observed. By intention to treat analysis, H. pylori was eradicated in 80% of patients included in the therapeutic study. The rate of eradication failure was 20%. In comparison with 14C-Urea breath test, the H. pylori Stool Antigen test showed a sensitivity of 100%, a specificity of 91 %, PPV of 69%, and NPV of 100%. Compared to the reference methods (culture and histology), the HpSA test had a sensitivity of 96.5% and a specificity of 91.2%. PPV of 90.3% and NPV of 96.8%.

In Benin, the prevalence of H. pylori antibodies was 75.4% in town and 72.3% in the village (P= 0.459). No association was found between infection and age, sex, education level, size of the household, economic activity or source of drinking water. The infection rate was higher in children of parents who were both infected and also in those whose mother was infected (p < 0.001). By logistic regression analysis, the density of occupation of dormitories (more than three persons sharing dormitory, [OR (95%) = 9.82 (4.13-23.31)] p < 0.001), and mother status within the household ( [OR (95%) = 3.85 (1.53-9.67) ] p < 0.001), were independent predictors for H. pylori infection. The risk of H. pylori infection in children was 13 times higher when the two parents were simultaneously positive: OR (95% CI) = 13.6 (3.63-51.22) and it was respectively of 5.3 (1.52-18.45); 2.7 (0.47-15.44), when mother and father were positive p < 0.001. H. pylori infection risk in children was higher for a sharing a dormitory with one or two persons, OR (95% CI) = 5.2 (1.08-25.16), p < 0.05 and was even higher if a dormitory of 4 persons or more, OR (95% CI) = 16.6 (2.66-103.44), p < 0.005 as compared to sleeping alone. Family contact with infected persons and crowded living conditions were associated with increased risk of infection consistent with intrafamilial H. pylori transmission.

In conclusion, our results confirm a still high H. pylori seroprevalence in population in Benin. An epidemiolgic survey with prevention mesures targeted on potential risk predictors should be going on. Validation of antigen detection test in patients stools before treatment and for eradication control could be an interested alternative, notably in Benin. Primary resistance rate on metronidazole is stable today in Belgium, though the resistance prevalence on clarithromycin should be determined by other multicentric studies. Standard triple therapy by (PPI)-amoxicillin-clarithromycin is still recommended in first intention to treat. Epidemiological survey of infection based on local prevalence of claritromycin-resistant and metronidazole-resistant strains should be continued.