Résumé : L’objet de cette thèse est d’étudier les relations entre Louis le Germanique et les aristocrates laïques, aussi bien ceux qui appartenaient à son propre royaume (de Bavière puis de Francie orientale), que ceux qui appartenaient aux autres royaumes issus du traité de Verdun (843). L’intérêt de cette recherche, qui s’inscrit dans le cadre d’un très récent renouveau d’intérêt pour le règne de Louis, est d’apporter un nouvel éclairage sur l’évolution politique de l’Empire carolingien central à tardif, en étudiant sa facette « orientale », souvent négligée par rapport à sa contrepartie « occidentale ».

Dans un contexte caractérisé par les rivalités et les conflits, il est évidemment vital pour le roi de s’assurer l’appui des grands et de les intégrer à son entourage. La première partie de ce travail a donc été consacrée à l’entourage du roi et à son évolution. Cet entourage a plus précisément été défini sur base du De Ordine Palatii d’Hincmar de Reims : il inclut d’abord les membres du Palais au sens étroit du terme (famille et détenteurs d’offices palatins – laïques en l’occurence -) ; ensuite l’ensemble des « grands » laïques du royaume, qui, sans détenir d’office au Palais, entretiennent une relation privilégiée avec le roi, soit qu’ils détiennent de lui un honor (les comtes), soit qu’ils appartiennent à ses vassaux ou à ses fideles. Au sein de cet ensemble de personnes, tous ne bénéficient cependant pas de la même « Königsnähe » ; par conséquent, en tenant compte de la nature des sources issues de Francie orientale (essentiellement les actes privés des abbayes et évêchés du royaume), il s’est avéré nécessaire de nuancer ce tableau en recherchant les personnalités qui font réellement preuve de la plus grande proximité avec le roi, sans être nécessairement pour autant les mieux documentés au niveau des sources.

De tous les membres (laïques) de cet entourage, les comtes sont apparus comme les plus importants, en raison de leur fonction même ; pour cette raison (et afin de rendre la consultation plus aisée et plus pratique pour qui s’intéresse aux comtes), une prosopographie a été constituée, incluant les comtes actifs en Bavière (826-887), Alémannie, Francie, Saxe, Thuringe (833-887) et Lotharingie orientale (870-887).

Si cette approche, essentiellement prosopographique, est intéressante en soi, elle ne permet néanmoins pas, en tant que telle, d’apprécier la teneur des relations entre roi et grands, ni de replacer celle-ci dans le cadre plus global de l’Empire carolingien. Pour ce faire, il est nécessaire d’y ajouter l’étude de certains éléments significatifs, qui permettent de dégager plus aisément continuités, ruptures et spécificités. A l’étude de l’évolution du fisc (et des spécificités des donations royales), s’est jointe celle des éléments représentatifs du pouvoir des aristocrates : possession de monastères privés, disposition de fortifications, transmission des offices comtaux. L’articulation de ces éléments avec le pouvoir royal révèle des spécificités très intéressantes, notamment au niveau du contrôle du roi sur les donations et honores accordés aux grands, le maintien de la révocabilité de ceux-ci étant visiblement souhaité ; s’il n’est pas toujours possible d’évaluer le rôle de la volonté royale dans cette évolution, il n’en va pas de même quand on étudie les divers actes d’infidélité, réels ou supposés, portés contre le roi. Les réactions royales, en la matière, semblent bien le signe d’une politique distincte et cohérente.

En conclusion, cette analyse se joint à l’approche prosopographique pour présenter une manière spécifique de concevoir, et d’aborder sur le plan pratique, les relations entre roi et grands. Sous certains aspects, ce règne se distingue nettement de celui de ses contemporains, et éclaire donc une autre facette de l’évolution de l’Empire carolingien postérieure au traité de Verdun, globalement (et provisoirement) plus maîtrisée qu’ailleurs ; celle-ci ne peut être ignorée et doit contribuer à nuancer l’image de l’évolution du pouvoir royal au IXème s.