Résumé : Le modèle biogéochimique de résolution complexe MIRO a été développé pour étudier la dynamique des efflorescences de Phaeocystis en zone côtière belge (BCZ) en réponse aux apports de nutriments anthropiques délivrés directement par l’Escaut et indirectement par la Seine via les eaux atlantiques entrantes. Le modèle MIRO décrit les cycles du carbone (C), de l’azote (N), du phosphore (P) et de la silice (Si) au travers de 38 compartiments chimiques, planctoniques et benthiques clés de l’écosystème côtier dominé par Phaeocystis. Il a été validé dans une configuration multi boite simple en utilisant des forçages climatologiques pour la période 1989-1999 et sur base d’une comparaison visuelle des simulations de nutriments et des variables planctoniques avec les données récoltées durant cette même période.

Le modèle validé a ensuite été utilisé pour étudier le fonctionnement de l’écosystème et les cycles biogéochimiques associés. Plus précisément, les bilans de carbone et de nutriments réalisés sur base des flux biologiques modélisés ont montré que l’écosystème de la BCZ, dominé par les efflorescences de Phaeocystis, se caractérise par une faible efficience trophique, une faible capacité de rétention/élimination des apports de nutriments d’origine anthropique et une faible capacité d’absorption du CO2 atmosphérique. Des scénarios annulant tour à tour l’activité biologique et les apports de carbone par les rivières ont permis de déterminer les rôles respectifs de la température, des processus biologiques et des apports de nutriments et de carbone par les rivières dans l’évolution saisonnière de la pCO2 des eaux de surface.

L’effet combiné des apports anthropiques de nutriments et des conditions météorologiques locales (débit, vent, température) a été étudié sur base d’une simulation effectuée pour la période contemporaine (1989-2003) en utilisant les forçages réels mesurés. La comparaison visuelle des simulations et des observations montre que, si le modèle est parfaitement capable de reproduire les successions phytoplanctoniques, il est par contre moins performant en ce qui concerne la reproduction des signaux extrêmes. Il apparaît donc que l’échelle de temps (mensuelle) utilisée pour décrire la variabilité des forçages est trop longue et ne permet pas de capter les variations hydrologiques à court terme résultant du vent et de la marée.

De manière à mieux comprendre le lien entre les activités humaines sur le bassin versant et l’eutrophisation des zones côtières, le modèle MIRO a été couplé aux sorties du modèle de rivière RIVERSTRAHLER appliqué à la Seine et à l’Escaut sur une période de 50 ans (1950-1998). Les résultats obtenus montrent que l’importance des efflorescences de diatomées est conditionnée par les apports de PO4, alors que l’importance des Phaeocystis est directement liée à l’importance des apports de NO3. Un bilan établi pour la BCZ montre que plus de 50% des apports annuels de N et 60% des apports annuels de P proviennent des eaux Atlantiques et pointe l‘importance des apports de la Seine pour l’enrichissement de la BCZ.

Différents scénarios de réduction des apports de nutriments provenant des rivières ont été réalisés afin de cibler le ou les nutriments à diminuer prioritairement pour réduire les efflorescences de Phaeocystis. Les résultats montrent que, dans les conditions actuelles, seule une réduction des apports de NO3 prédit une diminution des efflorescences de Phaeocystis. De plus, pour avoir un abattement significatif de ces efflorescences, il est nécessaire d’agir de manière conjointe sur les apports de la Seine et de l’Escaut.

En vue de l’implémentation du code MIRO dans un modèle 3D hydrodynamique et pour tenir compte de la variabilité spatiale des sédiments dans la zone étudiée, une paramétrisation des flux de nutriments à l’interface eau-sédiment a été recherchée sur base des résultats obtenus avec un modèle diagénétique analytique décrivant la dégradation de la matière organique et les cycles de l’azote et du phosphore dans les sédiments.