Thèse de doctorat
Résumé : Cette thèse s’inscrit dans le domaine de la linguistique applicable, discipline médiane entre linguistique et didactique, qui s’intéresse aux contenus grammaticaux proposés pour l’enseignement. On y aborde la problématique de la grammaire sous l’angle exclusif de l’acquisition du FLE (français langue étrangère), et la première partie de la thèse est consacrée à une mise au point théorique dans les études psycholinguistiques et didactiques. La deuxième partie examine la méthodologie relative à la grammaire dans les ressources pour l’enseignement-apprentissage du FLE, les manuels et les ouvrages de référence grammaticaux, ainsi que sur les cd-rom et les sites internet consacrés au FLE. Les contenus relatifs au subjonctif ont été recensés dans ces supports pédagogiques, et on peut aisément montrer qu’ils ne correspondent pas aux usages réels de la langue. Faut-il préférer le silence ou le mensonge métalinguistique ? Si l’on ne peut se résoudre à aucune de ces options, peut-on reposer la question de l’apport de la linguistique à la didactique ? Répondant par l’affirmative, la troisième partie de la thèse passe en revue les théories linguistiques abordant le subjonctif : sémantiques, syntaxiques, générativistes, mentalistes, énonciatives, psychomécaniques, etc. Pour passer de la linguistique théorique à la didactique, un concept novateur est nécessaire : la valeur d’applicabilité. Elle est définie comme la tendance d’une théorie linguistique à être plus ou moins transposable pour l’enseignement-apprentissage. Les critères de cette valeur sont empruntés à des domaines variés, comme la philosophie des sciences, la lisibilité, et bien sûr la didactique. Le passage en revue des théories linguistiques montre que la théorie la plus transposable est celle de Marc Wilmet, mais qu’elle est ne rencontre pas tous les critères de la valeur d’applicabilité. Différentes propositions d’aménagement de la théorie guillaumienne, qui a inspiré celle de Wilmet, prennent place dans la suite de ce travail, et, même si elles ont une valeur d’applicabilité plus élevée, elles ne rencontrent pas non plus tous les critères. Enfin, cette thèse propose une théorie applicable qui concerne le subjonctif, mais aussi, plus largement, les modes français : infinitif, subjonctif et indicatif. Cette théorie fait appel à un principe explicatif unique : l’ancrage. Ancrer signifie lier le procès, par la personne et/ou le temps, au repère choisi par l’énonciateur pour l’énonciation. L’infinitif n’ancre pas le procès, le subjonctif l’ancre sur le plan de la personne et l’indicatif ancre le procès par le temps et la personne. L’ancrage est un terme simple, imagé, métaphorique, qui permettra aux apprenants de comprendre à moindre coût le système des modes français. La théorie permet de prédire les emplois dans un très grand nombre de cas, et cela, avec l’avantage d’une grande économie conceptuelle.

Les emplois du subjonctif français sont passés en revue à la lumière de cette théorie, ainsi que les nombreux cas de concurrence entre les modes. Enfin, on propose une séquence applicable, composée d’une synthèse sur les modes et d’explications sur le fonctionnement des emplois du subjonctif français, et incluant une progression des contenus grammaticaux. Cette ultime partie fait donc le lien avec le début de la thèse, et profite des recherches sur la grammaire en psycholinguistiques et en didactique.

En conclusion, cette thèse ouvre la voie à une rénovation profonde des contenus grammaticaux pour l’enseignement, tant pour le FLE que pour le FLM, car, si la grammaire française est réputée difficile, c’est peut-être autant dû à une inadéquation entre les règles et les usages donc à des lacunes de ses descriptions, qu’à une complexité inhérente au fonctionnement de la langue.