Thèse de doctorat
Résumé : Les tumeurs thyroïdiennes constituent les tumeurs endocrines les plus fréquentes. Parmi celles-ci, on distingue les adénomes, tumeurs bénignes et encapsulées, et les carcinomes, tumeurs malignes. Ceux-ci sont eux-mêmes subdivisés, principalement sur base histologique, en carcinomes papillaires ou folliculaires, qui conservent certaines caractéristiques de différenciation des cellules thyroïdiennes initiales dont ils dérivent, et qui peuvent évoluer en carcinomes anaplasiques, totalement dédifférenciés. Les carcinomes différenciés de la thyroïde sont généralement de bon pronostic, contrairement aux cancers anaplasiques qui sont nettement plus agressifs, avec un taux de survie à 5 ans inférieur à 5%.

La technologie des microarrays permet d’analyser simultanément l’expression de milliers de gènes dans différentes cellules et différentes conditions physiologiques, pathologiques ou toxicologiques. Au cours de cette thèse de doctorat, nous avons déterminé le profil d’expression génique des carcinomes papillaires de la thyroïde à l’aide de la technique des microarrays en utilisant une plateforme contenant plus de 8000 gènes. Douze des 26 cancers papillaires étudiés étaient issus de patients habitant la région de Tchernobyl lors de l’explosion de la centrale nucléaire de 1986 et sont considérés comme des cancers radio-induits. Les 14 tumeurs restantes proviennent de patients habitant la France. Leur étiologie n’étant pas connue, ils sont considérés comme des cancers sporadiques.

La réalisation de ces expériences nous a permis d’identifier des signatures moléculaires entre des sous-types de cancers papillaires. Premièrement, nous avons montré que malgré un profil d’expression génique global similaire entre les cancers papillaires sporadiques et radio-induits, une signature multigénique permet de les séparer, indiquant que des subtiles différences existent entre les deux types de tumeurs. Deux autres signatures indépendantes, l’une liée aux agents étiologiques présumés de ces tumeurs (radiation vs. H2O2), l’autre liée aux mécanismes de recombinaison homologue de l’ADN, permettent également de séparer les cancers post-Tchernobyl des cancers sporadiques. Nous avons interprété ces résultats comme une différence de susceptibilité à l’irradiation entre ces deux types de tumeurs. D’autre part, nous avons pu identifier une liste de gènes permettant de séparer les cancers papillaires à variante classique des autres sous-types de cancers papillaires. L’analyse de cette liste de gènes a permis de mettre en relation cette signature avec l’important remodelage de cette variante histologique par rapport aux autres.

Ces expériences ont aussi abouti à l’obtention d’une liste de gènes différentiellement exprimés entre les cancers papillaires et leur tissu normal adjacent. Une analyse minutieuse de cette liste à l’aide d’outils statistiques a permis de mieux comprendre la physiopathologie de ces tumeurs et d’aboutir à différentes conclusions : (1) un changement de population cellulaire est observé, avec une surexpression de gènes liés à la réponse immune, reflétant l’infiltration lymphocytaire de ces tumeurs par rapport au tissu normal adjacent (2) la voie de signalisation JNK est activée par surexpression de ses composants (3) la voie de signalisation de l’EGF, également par une surexpression de ses composants, complémente les altérations génétiques des cancers papillaires pour l’activation constitutive de la voie ERK1/2 (4) une sousexpression des gènes de réponse précoce est observée (5) une surexpression de nombreuses protéases, d’inhibiteurs de protéases et de protéines de la matrice extracellulaire permet d’expliquer l’important remodelage des cancers papillaires (6) le profil d’expression génique des cancers papillaires peut être corrélé avec un mode de migration collectif de ces tumeurs.

Finalement, dans la dernière partie de la thèse, nous avons déterminé le profil d’expression génique des cancers anaplasiques de la thyroïde et l’avons comparé à celui des cancers papillaires. Nous avons montré que les deux types de tumeurs présentent des profils moléculaires globaux distincts, reflétant leur comportement tumoral très différent.