Résumé : Les travaux entrepris au cours de cette thèse visaient à répondre à des questions fondamentales sur la biologie évolutive des plantes adaptées aux sols contaminés par des métaux lourds. À travers une approche comparative de populations métallicoles (M : sur sols métallifères) et non métallicoles (NM : sur sol normal) de l’espèce modèle Thlaspi caerulescens, cette thèse avait donc pour objectif général d’appréhender l’adaptation aux habitats métallifères d’une manière plus globale que par le seul trait de tolérance aux métaux. Nous avons donc cherché à mettre en évidence les différences de stratégie de vie entre les populations M et NM. Nous avons également estimé le coût de l’adaptation à l’environnement métallifère. Enfin, nous avons porté une attention particulière au rôle que pouvait jouer la plasticité dans l’adaptation à l’environnement métallifère. Cette plasticité a été considérée au niveau des traits d’histoire de vie et du système racinaire.

Trois expériences ont étudié les variations des traits d’histoire de vie des populations M et NM: (1) une culture en conditions contrôlées des populations sur un gradient de concentrations en Zn, (2) une expérience de transplantation réciproque in situ de populations M et NM et (3) un suivi démographique dans les populations M et NM. Enfin, une quatrième expérience (4) visait à évaluer les variations entre populations M et NM d’un trait particulier : la plasticité du système racinaire en réponse à une distribution hétérogène des métaux dans le sol.

Nos résultats montrent que les plantes M ont, en moyenne, des cycles de vie plus courts que les plantes NM (exp. 1, 3). Par ailleurs, les populations M sont capables de modifier leur stratégie de reproduction en fonction des teneurs en métaux dans le sol ou du site de transplantation (métallifère vs. non métallifère). Que ce soit sur des substrats non contaminés en Zn (exp. 1) ou sur des sites non métallifères (exp. 2), les plantes M produisent autant de graines au cours de leur vie que les plantes NM. Ces résultats suggèrent l’absence d’un coût adaptatif fort chez les plantes M. In situ (exp. 3), nous avons mis en évidence un effet structurant de l’hétérogénéité spatiale des sites métallifères sur les stratégies de vie des plantes M. Enfin, les plantes M ont exprimé une plasticité plus élevée du comportement d’exploration racinaire que les plantes NM (exp. 4).

L’existence de stratégies de vie plastiques, l’homéostasie de la fitness sur une large gamme de concentrations en Zn, ainsi que le faible coût adaptatif mis en évidence chez les populations M suggèrent que ces populations sont plus aptes à fonder de nouvelles populations que les populations NM. Nos résultats ont également clairement démontré que les populations M sont caractérisées par une plasticité plus élevée que les populations NM (génotype généraliste). Cette plasticité concerne à la fois les stratégies de vie et les mécanismes d’exploration racinaire. Cette plasticité élevée des plantes M a très probablement évolué en réponse à l’hétérogénéité spatiale des sites métallifères La sélection de génotypes généralistes sur les sites métallifères est une piste de recherche qui mérite, à présent, d’être approfondie chez les autres espèces colonisant les sites métallifères.