Résumé : Comme d'autres secteurs d'activité nouant des liens avec les territoires, le tourisme a été marqué par une conscientisation accrue de ses enjeux environnementaux au cours des dernières décennies. Durant les années 90, cette question s'est logiquement inscrite dans le débat plus large de la durabilité du tourisme. Depuis lors, de nombreuses initiatives en faveur d'un tourisme plus durable émergent dans le but de sensibiliser les différents acteurs du secteur à l'importance d'améliorer l'équilibre entre développement économique, protection de l'environnement et valeurs sociales.

Ces vingt dernières années ont aussi été une période d'intensification des dispositions législatives de protection de l'environnement, notamment à l'échelle de l'Europe. L'adoption en 1985 d'une directive sur l'évaluation des incidences environnementales des projets a ainsi été l'un des fondements de la politique environnementale de l'Union Européenne. Les approches de gestion de l'environnement évoluant, l'Union européenne a adopté en 2001 une directive portant sur l'Evaluation environnementale stratégique des plans et programmes (EES) et couvrant plusieurs secteurs dont le tourisme. L'EES a pour objectif de favoriser la prise en compte des considérations environnementales dans les processus de planification menés par les organismes publics. A l'échelle mondiale, malgré certaines limites reconnues, l'EES a fait ses preuves dans un grand nombre de contextes institutionnels et de secteurs différents et s'avère très complémentaire vis-à-vis de l'évaluation environnementale des projets.

Complétant un arsenal législatif environnemental déjà conséquent au niveau européen, l'EES suscite des questions quant à sa capacité à améliorer la prise en compte de l'environnement lors de la mise en œuvre des politiques de développement touristique et à contribuer à un tourisme plus durable. Partant de cette question qui s'inscrit dans la problématique générale de la régulation environnementale du tourisme, la présente thèse poursuit comme objectif d'évaluer les contributions et les limites de la mise en œuvre de l'EES dans le secteur du tourisme et dans le contexte particulier de la Région wallonne.

Dans un premier temps, la thèse analyse plusieurs approches de planification et de régulation environnementale opérant dans le cadre du développement touristique en Région wallonne. L’objectif est de mettre en évidence les facteurs sociopolitiques et instrumentaux pouvant influencer les résultats attendus de la mise en œuvre de l'EES dans le secteur du tourisme. Dans un second temps, la thèse examine plusieurs exemples d'application de l'EES à des processus de planification touristique afin d'identifier quels sont les facteurs opérationnels déterminant la capacité de l'EES à améliorer la prise en compte de l'environnement dans les décisions.

Ces deux niveaux d'investigation ont permis de mettre en évidence différents éléments intéressants. D’une part, il apparaît que la prise en compte de l'environnement dans les processus de planification touristique tient essentiellement à la mise en œuvre des législations environnementales et peu à l'affirmation d'une culture politique proactive en matière d'intégration de l'environnement. Face à ce constat, la valeur ajoutée de l'EES repose fortement sur son caractère obligatoire. D'autre part, les études de cas montrent que la valeur ajoutée de l'EES par rapport aux processus de planification touristique doit être interprétée en différenciant sa valeur ajoutée "absolue" et sa valeur ajoutée "relative". La valeur ajoutée "absolue" reflète la prégnance de différents facteurs organisationnels, méthodologiques et techniques qui sont sous-jacents à la mise en œuvre de tout processus d'EES. Quant à la valeur ajoutée "relative", elle dépend de la prise en compte effective des résultats des processus d'EES qui est conditionnée par l'équilibre réalisé par les acteurs politiques entre les enjeux économiques, sociaux et environnementaux du développement touristique. A travers le prisme des processus d'EES, la question de la durabilité du tourisme est donc clairement posée.