Résumé : Notre thèse analyse le rapport entre pratiques sociales d’intégration d’immigrés, modèles d’installation et processus de transformation de la morphologie urbaine dans deux études de cas qui se prêtent à une comparaison stimulante. D’un côté, nous avons le cas de l’émigration italienne interne vers un pole industriel de la banlieue métropolitaine milanaise (Sesto San Giovanni); de l’autre côté, celui de l’émigration italienne internationale dans une agglomération des bassins miniers wallons (La Louvière). Il s’agit de deux contextes d’insertion fort différents du point de vue de la morphologie sociale et de l’organisation territoriale, qui profilent des espaces hybrides entre rural et urbain en profonde et rapide transformation, à cause des flux massifs de la main d’œuvre immigrée. Ces différences nous permettent de mettre à l’épreuve de l’analyse comparée les conceptions sociologiques et les parcours historiques de l’intégration, du tissu sociale qui en est à la base, de la citoyenneté, de la construction d’identités collectives, afin de dépasser les dichotomies stéréotypées entre rural/urbain, tradition/modernité, intégration/conflit, migration interne/internationale.

La thèse développe une analyse parallèle des deux études de cas en suivant un fil argumentatif unitaire, qui s’ouvre avec une enquête sur les flux migratoires et les contextes d’accueil des migrations. Dans les deux premiers chapitres nous avons analysé le contexte économique, social et territorial dans lequel s’inscrivent les processus migratoires. Pour le cas belge, nous avons analysé le cycle de l’industrie charbonnière, le processus de dépopulation de la Wallonie et les mécanismes qui règlent les flux, c'est-à-dire une migration contractée par les deux gouvernements. En ce qui concerne le cas milanais, nous avons tracé les contours de la très rapide urbanisation, qui a conduit toute une série de communes limitrophes à Milan à entrer dans l’orbite métropolitaine et à se qualifier comme des pôles périphériques.

Après avoir tracé les contours du cadre général, nous avons fait face, dans la deuxième partie, à la question plus spécifique du logement et des formes d’installations. Pour le cas louviérois, nous avons reconstruit les conditions de logement et la très difficile confrontation des premiers immigrés avec le monde du travail charbonnier, l’absence d’une initiative publique dans le secteur du logement jusqu’en 1954, faiblement compensé par l’initiative patronale, et la phase suivante des années 1950, qui a mené à la stabilisation des immigrés dans la région. De Sesto San Giovanni nous avons reconstruit la transition complexe vers la périphérie métropolitaine, à partir des installations rurales jusqu’aux politiques publiques locales et nationales de construction de grands ensembles, en soulignant comment cette intervention urbanistique était au centre d’un débat très vif sur l’aménagement du territoire, qui a débouché sur la création d’institutions administratives régionales. Dans la dernière partie de la recherche nous avons plutôt approfondi les aspects sociaux et culturels des parcours d’installation et d’intégration dans les deux tissus urbains. C’est en cette partie que nous avons utilisé davantage les sources orales, afin d’analyser les perceptions de soi, les mécanismes de construction de l’identité sociale et donc tous les changements que la migration, le rencontre avec la ville et l’industrie ont entraîné dans les organisations familiales, dans les perspectives de vie, les aspirations et les projets des migrants. À partir de l’analyse de ces parcours, dans le chapitre conclusif nous avons interrogé quelques catégories historiques et sociologiques classiques des études migratoires: d’abord le sens d’appartenance à la communauté d’origine et le développement d’un sens d’identité nationale, ensuite le processus de formation d’une solidarité de classe, qui dans les deux contextes a pris des formes sensiblement distinctes surtout par rapport aux différences dans la mémoire de l’expérience migratoire.