Résumé : Le séquençage de nombreux génomes eucaryotes indique que l’augmentation de la «biocomplexité» au cours de l’évolution n’est pas directement corrélée à l’accroissement du nombre de gènes. En d’autres termes, nous sommes plus que la somme de nos gènes et l’ère post-génomique actuelle promet de cerner de façon plus précise les bases moléculaires de notre identité. A cet égard, il semble de plus en plus clair que l’épigénétique est riche d’une information qui se superpose à celle du code génétique. L’information épigénétique est principalement véhiculée par des modifications de l’ADN et des histones. La modification majeure de l’ADN est la méthylation de la cytosine qui est la marque d’une chromatine transcriptionnellement silencieuse. Quant aux histones, différentes modifications posttraductionnelles ont été décrites, comme l’acétylation, la phosphorylation, la méthylation et l’ubiquitinylation. L’ensemble de ces modifications constituerait un «code histone», dont le décryptage n’en est qu’à ses prémices, permettant d’associer à chaque combinaison de modifications un état particulier de la chromatine, et ainsi de l’expression génique. La méthylation des histones a longtemps été considérée comme irréversible mais l'identification récente de déméthylases des histones spécifiques de certains sites a révélé que cette modification est régulée de façon dynamique et réversible. La découverte de ces enzymes a ouvert de nouveaux axes de recherche dans le domaine de l'épigénétique (Klose and Zhang, 2007).

Au cours de ma thèse de doctorat, nous nous sommes intéressés à la déméthylase PADI4 (peptidylarginine déiminase 4) qui convertit des résidus arginines des histones H3 et H4, associés à l'activation des gènes, en résidus citrullines, ce qui a pour conséquence d'entraîner une répression transcriptionnelle. Cette réaction porte le nom plus particulier de déimination/citrullination des histones. A l’heure actuelle, il est primordial de cerner comment la déméthylation des histones, et plus précisément la peptidylarginine deiminase 4 (PADI4), réprime la transcription.

Dans un premier temps, nous avons mis en évidence un lien mécanistique entre la deméthylation et la désacétylation des histones. Nous avons montré que PADI4 interagit avec l’histone désacétylase HDAC1. Cette enzyme est responsable du décrochage des groupements acétyls des histones, conduisant à la fermeture de la chromatine. Des expériences d’immunoprécipitation de la chromatine indiquent que PADI4 et HDAC1 s’associent au promoteur du gène de réponse aux oetrogènes pS2 simultanément et de manière cyclique. L’utilisation d’une construction shRNA dirigée contre la protéine endogène HDAC1 indique que la liaison de PADI4 au promoteur du gène pS2 est dépendante de la présence de HDAC1.

Dans la deuxième partie de notre travail, un lien mécanistique entre la déméthylation des histones par PADI4 et la méthylation de l’ADN a été mis en évidence. La méthylation de l’ADN est catalysée par des enzymes, appelées méthyltransférases de l’ADN (DNMTs), qui transfèrent des résidus méthyls sur les cytosines. Nous avons montré que la protéine DNMT3A interagit avec PADI4. Nous avons également démontré que l’enzyme PADI4 était capable de citrulliner/déiminer (convertir des résidus arginines en résidus citrullines) la méthyltransférase de l’ADN DNMT3A in vitro et que cette citrullination de la protéine DNMT3A par PADI4 stabiliserait DNMT3A in vivo.

Enfin, nos récents travaux révèlent une relation mécanistique entre la protéine MeCP2, interprète des signaux de méthylation de l’ADN, et la protéine polycomb EZH2. Celle-ci possède une activité méthyltransférase d’histone sur les lysines 27 de l’histone H3. Nos données montrent que MeCP2 interagit avec EZH2 et que ces protéines fixent des régions promotrices communes. De plus, la déplétion en MeCP2 affecte la présence de EZH2 au niveau de ces régions communes.

En conclusion, ce travail de thèse devrait permettre une meilleure compréhension des mécanismes moléculaires de l’épigénétique. Plus particulièrement, il devrait aider à mieux cerner comment la première histone déméthylase décrite, la peptidylarginine déiminase 4 ou PADI4, verrouille l’expression génique.