Résumé : Les populations du nord du Gabon consomment 39 taxons de champignons. Pour mieux connaître les taxons consommés et collecter des informations sur leur écologie, une étude fondée sur les connaissances mycologiques traditionnelles de ces populations et des observations de terrain a été entreprise dans les provinces de l’Ogooué-Ivindo et du Woleu-Ntem situées dans le nord du pays. Au cours de cette étude basée sur une enquête ethnomycologique menée sur les axes routiers Makokou-Mékambo et Oyem-Minvoul, ainsi que dans les villages pygmées des environs, deux cents personnes dont les Pygmées Baka et Bakoya, et les Bantu Fang, Kota et Kwélé ont été interrogées (100 personnes par province visitée).

Cette étude a permis non seulement d'établir la correspondance entre les noms scientifiques et les noms vernaculaires attribués aux champignons dans les cinq langues locales étudiées, mais aussi de recueillir d'autres informations liées aux connaissances mycologiques traditionnelles des populations enquêtées. Des descriptions macroscopiques et microscopiques détaillées ont été faites pour tous les taxons inventoriés.

L’étude a également révélé qu’il existe des différences significatives tant en ce qui concerne le nombre de taxons que les quantités de champignons consommés par les différents groupes ethniques: les Pygmées vivant uniquement de la chasse et de la cueillette consomment 96% des taxons inventoriés et des quantités élevées de champignons (environ 3 kg / jour / famille). Les Bantu vivant à l’écart de ces derniers consomment également des quantités de champignons assez élevées (environ 2 kg / jour / famille) mais un nombre réduit de taxons (56% des taxons inventoriés pour les Fang; 69% pour les Kota; 39% pour les Kwélé). Par contre, les Bantu vivant à proximité des Pygmées connaissent et consomment un grand nombre de taxons (environ 90% des taxons inventoriés) mais mangent de plus faibles quantités de champignons que leurs congénères éloignés des Pygmées (environ 800 g / jour / famille).

Plus généralement, l’étude a montré que les connaissances mycologiques traditionnelles de ces populations varient en fonction de l’activité pratiquée, de l’âge, de l’ethnie et du sexe. Les meilleures connaissances mycologiques sont détenues par les chasseurs et les pêcheurs qui identifient environ 80% des taxons. Chez les Pygmées, les connaissances mycologiques des hommes et des femmes sont très diversifiées et identiques, alors que chez les Bantu, les femmes connaissent mieux les champignons (plus de 50% des taxons identifiés) que les hommes (à peine 30% des taxons identifiés). Cependant, quel que soit le groupe ethnique, les représentants de la population active connaissent mieux les champignons (85% des taxons identifiés) que les jeunes et les personnes du troisième âge (environ 30% des taxons identifiés).

Les champignons les plus appréciés par ces populations appartiennent au genre Termitomyces dont les espèces les plus recherchées sont T. fuliginosus, T. robustus et T. microcarpus.

Une étude comparative des champignons consommés au Gabon et dans d’autres pays d’Afrique tropicale a montré que les champignons consommés au Gabon le sont également au Bénin, au Burundi, au Cameroun, en République centrafricaine, en RD Congo, au Malawi, en Tanzanie… et que, après la RD Congo (21 taxons inventoriés), le Gabon présente la plus grande diversité de taxons consommés dans le genre Cantharellus (14 taxons inventoriés). Par contre, sur une trentaine de taxons de Termitomyces signalés en Afrique tropicale, le Gabon est le pays qui présente la plus faible diversité (7 taxons inventoriés).

Une compilation des données bibliographiques a révélé que le nombre de champignons symbiontes comestibles signalés en Afrique tropicale est de loin plus élevé en forêt claire qu’en forêt dense (12 taxons de chanterelles sur les 28 inventoriés en Afrique tropicale sont propres à la forêt claire contre 2 taxons à la forêt dense; 15 taxons de Termitomyces sur 30 sont propres à la forêt claire contre 5 taxons à la forêt dense).

Mots-clés: champignons comestibles, Pygmées, Bantu, ethnomycologie, Gabon