Résumé : La malignité des astrocytomes est établie sur base de critères morphologiques définis au sein de la classification de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Ce système de gradation, qui s’échelonne de I à IV, constitue actuellement l’outil pronostique le plus fiable. Par facilité, les cliniciens regroupent les astrocytomes de grade I (astrocytomes pilocytiques) et les astrocytomes diffus de grade II sous le terme d’« Astrocytomes de bas-grade » par opposition aux astrocytomes de haut-grade, constitués des astrocytomes anaplasiques (grade III) et des glioblastomes (GBM ; grade IV). Cette terminologie conduit à des prises en charge cliniques inadéquates car elle englobe des tumeurs très différentes en terme d’agressivité : les astrocytomes de grade I, majoritairement non infiltrants, non évolutifs et indolents et les astrocytomes diffus de grade II, toujours infiltrants et évolutifs, progressant systématiquement en astrocytomes de haut-grade et entraînant le plus souvent le décès prématuré du patient. Bien que ces tumeurs soient définies par la classification de l’OMS comme des entités clinicopathologiques distinctes, peu de données sont disponibles dans la littérature pour expliquer leurs particularités biologiques et la pratique quotidienne montre que les différencier peut être difficile.

Le but des études entreprises au cours de ce travail de thèse est d’apporter une contribution à la compréhension des mécanismes de tumorigenèse qui différencient l’astrocytome de grade I des astrocytomes diffus (grade II-IV), de manière à identifier des voies biologiques qui permettraient, au moins en partie, d’expliquer ces différences de comportement.

Au cours de la première partie de ce travail, nous avons caractérisé les profils d’expression génomique des astrocytomes de grade I et de grade II, en comparant les données d’expression de gènes (évaluées par des technologies de micropuces d’ADN) de travaux publiés entre 2000 et 2005. L’expression des gènes identifiés a été validée par des analyses de RT-PCR quantitative sur une série indépendante d’astrocytomes de grade I, II et IV. Les fonctions biologiques des protéines codées par chacun de ces gènes ont fait l’objet de recherches bibliographiques détaillées afin de proposer un modèle permettant d’approcher les différences de comportement de ces tumeurs. Cette analyse nous a permis d’identifier TIMP4 (tissue inhibitor of metalloproteinases 4) et IGFBP2 (insulin-like growth factor binding protein 2) comme gènes candidats pour améliorer la caractérisation biologique et clinique des astrocytomes de grade I par rapport aux astrocytomes diffus. TIMP4 et IGFBP2 codent respectivement pour un inhibiteur endogène des métalloprotéinases matricielles (MMPs) et une protéine de liaison capable d’inhiber l’action des « insulin-like growth factors » (IGFs, dont IGFI et IGFII), des facteurs impliqués dans la croissance et la migration des astrocytes normaux et tumoraux.

Sur base de la surexpression de TIMP4 et d’IGFBP2 dans les astrocytomes de grade I, en comparaison aux astrocytomes diffus de grade II, nous avons posé l’hypothèse suivante : « L’absence d’agressivité des astrocytomes de grade I, en comparaison aux astrocytomes diffus (grade II-IV) pourrait en partie être liée à l’inhibition par TIMP-4 de la protéolyse des complexes IGFBP2-IGFII au sein de ces tumeurs ». Cette protéolyse, qui diminue l’affinité d’IGFBP2 pour IGFII, pourrait contribuer à libérer IGFII dans la matrice extracellulaire (MEC), favoriser la liaison d’IGFII à son récepteur IGF-IR et stimuler la croissance et la migration des cellules astrocytaires tumorales. Pour tester cette hypothèse, nous avons réalisé différentes analyses biochimiques afin i) de caractériser les actions protéolytiques de MMP-2, MMP-9 et MT1-MMP sur le complexe IGFBP2-IGFII, ii) d’identifier la libération d’IGFII lors du clivage de ce complexe, et iii) d’étudier l’action inhibitrice de TIMP-4. A l’aide d’un modèle cellulaire in vitro (lignée astrocytaire tumorale LN229), nous avons ensuite observé l’influence de la protéolyse du complexe IGFBP2-IGFII sur la croissance et la motilité cellulaire. Cette étude a montré : (1) la protéolyse du complexe IGFBP2-IGFII par MMP-9, (2) l’inhibition partielle de cette protéolyse par TIMP-4, (3) la libération d’IGFII résultant de cette protéolyse et (4) les effets stimulants de la libération d’IGFII sur la croissance et la motilité des cellules LN229. Cette étude souligne le rôle important de la protéolyse des complexes IGFBP2-IGFII dans l’agressivité des astrocytomes diffus. Elle confirme les effets stimulants propres d’IGFII, d’IGFBP2 et de MMP-9 sur la motilité et/ou la croissance des cellules astrocytaires tumorales. Enfin, elle identifie un rôle inhibiteur potentiel de TIMP-4 sur la protéolyse du complexe IGFBP2-IGFII, qui pourrait contribuer à expliquer le caractère plus indolent des astrocytomes de grade I en comparaison aux astrocytomes diffus.

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