Résumé : L’adénocarcinome du pancréas qui représente la quatrième cause de cancer en termes d’incidence reste une tumeur mal comprise et l’ensemble des traitements insuffisamment efficaces. Depuis quelques années, la prise en charge des patients cancéreux s’est individualisée et tente de proposer des traitements à la carte en prenant en compte divers paramètres tumoraux. Pour le cancer du pancréas, la pertinence des hypothèses biologiques pour le pronostic et le traitement des patients, a été très peu évaluée si bien qu’a coté des facteurs cliniques et histologiques, il n’existe pas de marqueurs moléculaires clairement identifiés.

Dans la première partie de nos traveaux, nous avons évalué l’intérêt pronostique d’une série de biomarqueurs dont les chimiorécepteurs CXCR4 et CXCR7. CXCR4 est exprimé par les ACP et joue un rôle dans la migration des cellules cancéreuses au travers la matrice extracellulaire, l’adressage métastatique, l’angiogénèse et la vasculogénèse tumorale. CXCR7 est impliqué dans la prolifération cellulaire. Ces deux chimiorécepteurs partagent le même ligand, CXCL12, qui est synthétisé par les cellules stellaires pancréatiques activées et est retrouvé en quantité importante dans le stroma fibrotique tumoral. L’expression de CXCR4 est en partie dépendante du facteur de transcription HIF-1 (hypoxia inducible factor). L’expression de CXCR4, CXCR7, HIF-1 et de Ki-67 à été évaluée par immunohistochimie et confrontée aux facteurs pronostiques classiques (cliniques et anatomopatholologiques). En analyse multivariée, le niveau d’expression de CXCR4 était un facteur pronostique indépendant associé à la survie sans récidive et la survie globale. De plus le niveau d’expression de CXCR4 était associé à la présence de métastase ganglionnaire sur la pièce opératoire et au risque de récidive hépatique.

Dans un deuxième temps, les protéines impliquées dans la métabolisation de la gemcitabine ont été évaluées à partir d’une cohorte de patients traités par radiochimiothérapie dans le cadre de deux protocoles cliniques multicentriques de phase II. La gemcitabine pénètre dans la cellule à travers la membrane plasmique soit par diffusion facilitée par des transporteurs nucléosidiques spécifiques appelés hENT (human equilibrative nucleoside transporter), soit par des transporteurs actifs Na+-dépendants ou hCNT (human concentrative nucleoside transporter). Dans la cellule, elle est métabolisée pour générer ses dérivés cytotoxiques actifs. La gemcitabine va tout d’abord être phosphorylée en dérivé monophosphate par la déoxycytidine kinase (dCK). La dCK est considérée comme étant l’enzyme limitante du métabolisme de la gemcitabine. Deux autres étapes de phosphorylation vont suivre faisant tout d’abord intervenir l’uridylate kinase (UMK) puis une troisième kinase qui, elle, est ubiquitaire.

In vitro, dans des lignées cellulaires d’adénocarcinome pancréatique, la résistance intrinsèque à la gemcitabine est associée à une diminution ou à une perte d’expression de hENT1 et de la dCK. En plus de son activité cytotoxique directe, la gemcitabine est un puissant radiosensibilisateur. La capacité de cet analogue pyrimidique à potentialiser les effets de la radiothérapie est en partie liée à sa capacité de pénétration. L’expression de hENT1, de hCNT3 et de la dCK a été évaluée et corrélée à la survie sans récidive et la survie globale des patients. En analyse multifactorielle, hENT1 et la dCK sont des facteurs pronostiques indépendants pour la survie sans récidive et la survie globale alors que hCNT3 est un facteur indépendant pour la survie globale. De plus l’analyse combinée de hENT1 et de hCNT3 s’avèrait plus discriminante dans l’identification des patients à haut rique de récidive que l’analyse de chacun de ces facteurs pris isolémment.