Résumé : Cette recherche s’intéresse à la façon singulière dont l’adolescent ou le jeune adulte suicidant se représente ses liens familiaux et extra-familiaux. Elle explore la façon dont ces jeunes s’inscrivent dans leur histoire familiale, se repèrent dans leur généalogie, mais aussi la façon dont ils construisent, dans le monde qui les entoure, leur réseau d’appartenance. Comprenant l’accès aux transmissions familiales et la possibilité de tisser un réseau de lien extra-familiaux, comme un élément capital de la construction identitaire, ce travail envisage l’hypothèse selon laquelle l’acte suicidaire de l’adolescent traduirait une revendication de l’unicité et de l’authenticité de son existence. L’intention de se faire exister serait plus prégnante que l’intention de se donner la mort. De telles conduites, à valeur ordalique, témoigneraient d’un affrontement avec le monde, dont l’enjeu serait de vivre plus. Elles amèneraient l’adolescent à s’imposer, inconsciemment, de frôler la mort pour se transformer, renaître, revivre après le traumatisme, pour enfin exister. A l’aide d’entretiens cliniques et d’outils d’évaluation systémique comprenant la réalisation de génogrammes libres et imaginaires, seize études de cas ont été réalisées. Ces données ont permis d’effectuer une analyse qualitative individuelle et groupale et, plus particulièrement une exploration familiale tri-générationnelle. Sans confirmer la valeur ordalique de la conduite suicidaire, nos résultas suggèrent que les jeunes rencontrés tentent de se faire exister en cherchant une enveloppe généalogique mais aussi affiliative, contenante au sein de laquelle ils se sentent inscrits et reconnus. Le sentiment d'appartenance qui permet la différenciation et qui donne sens à l’existence fait défaut chez tous. Ces résultats ouvrent une piste de réflexion sur la signification du geste suicidaire à l’adolescence: il s’agit d’une quête de sens, mais aussi de reconnaissance, qui passe par l’épreuve personnelle et le fait d’y survivre.