Résumé : La sécurité des installations nucléaires est constamment un souci majeur lors de leur exploitation, mais aussi lors de la conception de nouveaux réacteurs. Leurs durées de vie est limitée à cause des changements de comportement mécanique de leurs composants métalliques (principalement la cuve du réacteur mais aussi ses composants internes), qui sont accélérés ou induits par l’irradiation de neutrons. Une prédiction quantitative précise de ces changements, en fonction de la composition des matériaux et des conditions d'irradiation, est par conséquent un objectif de première importance pour la science des matériaux nucléaires. La modélisation est, de nos jours, considérée comme un complément vital aux approches expérimentales, avec l'objectif d’apporter une meilleure compréhension des processus physiques et chimiques qui se produisent dans les matériaux métalliques sous irradiation de neutrons.

La modélisation des effets de l'irradiation de neutrons dans les aciers est par nature un problème multi-échelle. Le point de départ est la simulation des cascades de collisions atomiques initiées par les neutrons à hautes énergies qui pénètrent dans le matériau, créant ainsi des défauts ponctuels mobiles. Différents modèles physiques, considérant des échelles de temps et de longueur croissantes, doivent être développés afin de convenablement tenir en compte de tous les différents processus qui provoquent des changements de comportement macroscopique, à cause de la présence de ces défauts ponctuels mobiles. En outre, des liens entre les différents modèles doivent être créés, parce que les prédictions de chacun d'entre eux doivent servir de paramètres d'entrée pour les modèles qui travaillent aux échelles supérieures. Dans cette thèse, un tel lien est créé entre le niveau atomique et les modèles à gros-grains, en développant un nouvel algorithme Monte-Carlo cinétique atomistique (MCCA), où le matériau est décrit comme une collection d'atomes occupant des sites cristallographiques réguliers. Le processus simulé est dès lors naturellement décomposé en séries d'évènements élémentaires activés thermiquement, correspondant à la migration des défauts ponctuels (lacunes ou interstitiels) vers des positions de proches voisins, qui sont en permanence en compétition en fonction de leurs fréquences d'occurrences respectives. Ces dernières sont calculées en fonction des énergies de migrations, qui sont elles-mêmes calculées avec peu d'approximations par une méthode qui prend en compte tous les effets de la relaxation statique et des interactions chimiques à longue portée. Le nouvel algorithme MCCA est par conséquent un modèle physique, entièrement basé sur un potentiel inter-atomique approprié qui est utilisé de la manière la plus complète possible, sans définir de paramètres empiriques qui devraient être, par exemple, fittés depuis des données expérimentales. Finalement, l'algorithme est accéléré de plusieurs ordres de grandeur en utilisant des réseaux de neurones artificiels (RNA), entraînés à prédire les énergies de migrations des défauts ponctuels en fonction de leur environnement atomique local.

Le nouvel algorithme MCCA est utilisé avec succès pour simuler des expériences de recuits (pour lesquels une seule lacune doit être introduite dans la boîte), afin de valider le modèle grâce à une comparaison directe de ses prédictions avec des résultats expérimentaux trouvés dans la littérature. Une comparaison très satisfaisante est accomplie pour deux alliages modèles importants pour la science des matériaux nucléaires. Dans les deux cas, l'évolution avec le temps de recuit du rayon moyen des précipités formés, ainsi que de leur densité, est en très bonne adéquation avec les mesures expérimentales trouvées dans la littérature, contrairement à ce que d'autres auteurs avaient jusqu’à présent réussi. Ensuite, l'algorithme est généralisé avec succès afin de permettre l'introduction d'un grand nombre de lacunes, ce qui est un des deux ingrédients nécessaires pour la simulation des effets de l'irradiation de neutrons dans les métaux. Cet accomplissement permet la simulation de processus longs et complexes, par exemple le calcul de coefficients de diffusions et temps de vies d'amats de cuivre-lacunes, qui sont des paramètres d'entrée nécessaires pour des modèles de simulation à gros-grains. Finalement, des preuves convaincantes sont apportées que l'algorithme MCCA peut être, dans un futur proche, généralisé d'avantage et permettre la prise en compte des interstitiels, ouvrant ainsi la voie vers la simulation de cycles complets d'irradiation.