Résumé : La tique est un parasite hématophage obligatoire dont le succès du repas sanguin requiert l’inhibition des principales voies de défense de l’hôte. Parmi ces mécanismes, on retrouve les réponses immunes innées et acquises, qui utilisent toutes deux le système du complément comme mécanisme effecteur. Le complément, constitué d’une trentaine de protéines intervient dans la lyse et l’opsonisation des pathogènes, dans l’initiation de la réponse inflammatoire mais également dans certaines pathologies lorsqu’une régulation efficace fait défaut.

Une activité inhibitrice avait ainsi déjà été détectée dans des extraits de glandes salivaires de la tique Ixodes ricinus, principal vecteur de la maladie de Lyme en Europe, mais sans pour autant qu’une protéine ne soit mise en évidence. Le Laboratoire de Biologie Moléculaire des Ectoparasites a cependant identifié une famille multigénique de 7 protéines, appelées protéines IxACs, qui inhibent de manière spécifique la voie alternative du complément. Nous avons découvert que ces protéines agissent en se liant de manière spécifique à la properdine, un facteur stabilisateur de la C3 convertase, complexe clé dans la cascade du complément. L’objectif de ce travail fut d'étudier le mécanisme d’action de ces protéines, ainsi que leur rôle potentiel en tant qu’outil thérapeutique dans certaines maladies auto-immunes.

Les protéines IxACs agissent toutes comme compétiteurs directs du facteur C3b pour la liaison à la properdine et ne semblent pas montrer de diversité de mécanisme d’action ni de sites de liaison différents.

Nous avons montré que les protéines IxACs lient la properdine via une hélice alpha d’une dizaine d’acides aminés située dans leur domaine N-terminale, et homologue au domaine de liaison à la properdine du C3b. Cette interaction dépend directement de deux tyrosines présentes au sein de cette hélice, et intervient au niveau du domaine TSR5 de la properdine. Des expériences utilisant un peptide correspondant à l’hélice alpha des protéines IxACs ainsi que des expériences de mutagenèse dirigée nous ont permis de confirmer cette interaction mais aussi de montrer qu’une autre région des protéines IxACs, encore inconnue, interagiraient avec le domaine TSR4 de la properdine et serait nécessaire à l’activité inhibitrice de ces protéines.

Nous avons également utilisé les protéines IxACs dans un modèle d’ischémie/reperfusion rénale, dans lequel la voie alternative du complément est directement impliquée. Nous avons mis en évidence que les protéines IxACs administrées à des souris entraînent une diminution du taux de créatinine dans le sang après ischémie/reperfusion, ce taux étant un indice direct de la souffrance rénale. Leur rôle potentiel en tant qu’outil thérapeutique est cependant encore à approfondir.