Résumé : La césarienne est une intervention obstétricale majeure qui peut sauver la vie de la mère et de l’enfant. En Afrique sub-saharienne, il persiste une grande inégalité d’accès à la césarienne et une grande variation des pratiques autour des indications d’intervention. D’un côté, des barrières financières, géographiques, culturelles privent des femmes d’une intervention qui peut sauver leur vie. De l’autre, la pratique grandissante de césariennes sans indication médicale, dans un contexte de mauvaise qualité de soins, entraine une sur-morbidité et mortalité iatrogènes et évitables.

L’objectif de notre thèse est de contribuer à une meilleure connaissance des déterminants d’une césarienne de qualité et de montrer comment en situation réelle (cas d’un district urbain au Burkina Faso) on peut agir sur ces déterminants pour améliorer la qualité des césariennes.

Dans le cadre d’un projet multidisciplinaire (santé publique, mobilisation politique et sociale, anthropologie) d’Amélioration de la QUalité et de l’Accès aux Soins Obstétricaux d’Urgence - le projet AQUASOU (2003-2006) - nous avons pu mettre en œuvre des activités visant à améliorer l’accès à une césarienne de qualité dans le district du Secteur 30) à Ouagadougou, Burkina Faso. Nous avons mené une étude Avant-Après et utilisé des méthodes d’évaluation mixtes quantitatives et qualitatives pour comprendre dans quelle mesure et comment ce type d’approche globale améliore la qualité de la césarienne. Nous avons utilisé le cadre d’analyse de Dujardin et Delvaux (1998) qui présente les différents déterminants de la césarienne pour organiser et structurer nos résultats. Cette expérience s’étant déroulée dans le cadre d’un projet pilote nous avons également évalué le degré de pérennité du projet AQUASOU quatre ans après sa clôture officielle et analysé sa diffusion au niveau région et national.

Le cadre d’analyse de la césarienne de qualité avec ses quatre piliers (Accès, Diagnostic, Procédure, Soins postopératoires) a permis d’aller au-delà de la simple évaluation de la qualité technique de l’acte césarienne. Il a structuré l’analyse des différentes barrières à l’accès à la césarienne comme par exemple l’acceptabilité des services par la population et le coût de la prise en charge.

L’analyse des discours des femmes césarisées a mis en lumière le sentiment de culpabilité des femmes d’avoir eu une césarienne - ne pas avoir été « une bonne mère » capable d’accoucher normalement. Les questionnements sur la récurrence de la césarienne pour les prochaines grossesses, les dépenses élevées à la charge du ménage, la fatigue physique et les complications médicales possibles après l’opération mettent la femme dans une situation de vulnérabilités plurielles au sein de son couple et de sa famille.

L’évaluation du système de partage des coûts pour les urgences obstétricales mis en place en 2005 dans le district du Secteur 30 a montré qu’il était possible de mobiliser les collectivités locales de la ville et des communes rurales pour la santé des femmes. La levée des barrières financières a pu bénéficier à la fois aux femmes du milieu urbain et rural mais l’écart d’utilisation des services entre le milieu de résidence n’a pas été comblé et cela confirme l’importance des barrières géographiques (distance, route impraticable pendant la saison des pluies, manque de moyen de transport) et socioculturelles.

L’étude sur le rôle des audits cliniques ou revues de cas dans l’amélioration de la qualité des soins a montré que les soignants avaient une bonne connaissance du but de l'audit et qu’ils classaient l'audit comme le premier facteur de changement dans leur pratique, comparé aux staffs matinaux, aux formations et aux guides cliniques. Cependant, l’institutionnalisation des audits se révèle difficile dans un contexte de manque de ressources qui affecte les conditions de travail et dans un environnement peu favorable à la remise en question de sa pratique professionnelle.

L’évaluation de la pérennité du projet pilote quatre ans après la fin du soutien financier et technique montre que les bénéfices pour la population sont toujours là en terme d’accessibilité à la césarienne : coûts directs pour les ménages de 5000 FCFA (US $ 9.8), qualité des soins maintenue avec une diminution de la mortalité périnatale précoce pour les accouchements par césarienne de 3,6% en 2004 à 1,8% en 2008.

\