Résumé : Les maladies infectieuses constituent un sérieux problème de santé publique aussi bien dans les pays en développement où elles sont la principale cause de taux de mortalité élevés, que dans les pays industrialisés où les résistances aux antibiotiques existants se développent de façon alarmante. Cette situation engendre un besoin sans cesse croissant de trouver de nouveaux composés antimicrobiens et/ou inhibiteurs de mécanismes de résistances aux antibiotiques. Les plantes médicinales, notamment celles utilisées de façon traditionnelle dans les pays en développement, constituent une source potentielle de ce type de composés. C’est dans ce cadre que l’espèce Cordia gilletii De Wild (Boraginaceae), une plante dont les écorces de racines et les feuilles sont traditionnellement utilisées en République Démocratique du Congo pour combattre les maladies infectieuses, a été étudiée sur le plan tant de ses activités biologiques que de sa composition chimique. Les extraits obtenus à partir des écorces de racines de cette plante ont montré d’intéressantes activités biologiques, (i) un effet antimicrobien direct (bactéricide pour les bactéries gram positif et bactériostatique pour les gram négatif) et indirect (augmentation ou restauration de l’activité des antibiotiques vis-à-vis des souches résistantes); (ii) un effet inhibiteur sur deux des gènes impliqués dans le quorum sensing de Pseudomonas aeruginosa, lasB and rhlA; (iii) un effet antiplasmodial sur une souche chloroquino-sensible de Plasmodium falciparum; (iv) un effet antioxydant mis en évidence par réaction avec le radical libre DPPH. Pour les extraits de feuilles, seule l’activité antiplasmodiale a été observée.

Les extraits d’écorces de racines, doués d’activité antimicrobienne directe (extrait méthanolique) et indirecte (extrait n-hexanique) ont été soumis à une série de fractionnements dans le but d’isoler et d’identifier les composés actifs. Pour suivre l’activité lors des fractionnements, le milieu de culture utilisé pour la détection des composés actifs sur une plaque chromatographique (CCM-bioautographie) a été optimisé. Le composé férulaldéhyde, isolé de l’extrait méthanolique, a montré des propriétés antimicrobiennes, antioxydantes et antiplasmodiales. De l’extrait n-hexanique ont été isolés deux composés, l’un actif, le lupéol et l’autre inactif, la friedéline. Le lupéol a montré un effet antimicrobien indirect en réduisant la CMI de certains antibiotiques vis-à-vis d’une souche de MRSA. Ces trois composés, s’ils ont déjà été identifiés dans d’autres plantes, sont décrits pour la première fois dans l’espèce Cordia gilletii ; et ce travail constitue le premier rapport de l’effet antimicrobien indirect du lupéol.

Dans le but de s’assurer de l’innocuité des extraits de C. gilletii, une recherche d’alcaloïdes pyrrolizidiniques (APs) a été réalisée par GC-MS. Ces alcaloïdes présentent en effet un réel danger pour la santé humaine et la famille des Boraginaceae, à laquelle appartient l’espèce C. gilletii, est connue comme une des principales sources de ces composés. Aucun AP n’a pu être mis en évidence dans les extraits d’écorces de racines et de feuilles de cette plante jusqu’à une limite de détection de 2 ppm, suggérant ainsi une absence de risque toxicologique en relation avec ces alcaloïdes. Ces résultats rassurants restent à confirmer sur d'autres échantillons obtenus dans des lieux de récolte différents.

Le présent travail montre que C. gilletii peut agir contre les microorganismes pathogènes par : (i) son action antimicrobienne directe (due entre autre au férulaldéhyde); (ii) son effet antimicrobien indirect (dû au lupéol), effet permettant d’augmenter ou de restaurer l’activité des antibiotiques vis-à-vis des souches résistantes ; et (iii) son effet inhibiteur de l’expression des gènes du quorum sensing, effet permettant d’atténuer la virulence d’agents infectieux. Ces actions peuvent permettent de faire face aux infections dues notamment à des microorganismes résistants.

Infectious diseases remain a serious public health problem both in developing countries, where they are the main cause of the high mortality rates recorded, and in industrialized countries where there is an alarming incidence of antibiotic resistance. There is thus an increasing need for new compounds that can act by a direct antimicrobial effect or by an indirect effect, inhibiting resistance mechanisms of microorganisms. Medicinal plants, particularly those traditionally used against infectious diseases in developing countries, are a probable source for these types of compounds. In this context, Cordia gilletii De Wild (Boraginaceae), a medicinal plant from which root barks and leaves are traditionally used against infectious diseases in Democratic Republic of Congo, was investigated for biological activities and phytochemical composition. Root bark extracts showed interesting biological activities: (i) antimicrobial properties, acting directly (bactericid and bacteriostatic effects against gram positive and gram negative bacteria, respectively) or indirectly (enhancement or restoration of antibiotic activity on resistant strains); (ii) inhibitory effect on the expression of two Pseudomonas aeruginosa QS genes, lasB and rhlA; (iii) antiplasmodial effect against a chloroquine sensitive strain of Plasmodium falciparum; (iv) antioxidant effect determined by the free radical DPPH quenching. Leaves extracts showed only antiplasmodial activity.

Root barks extracts with the highest direct (methanol extract) and indirect (n-hexane extract) antimicrobial properties were fractionated to isolate and to identify the active compounds. To bio-guide the fractionation, the culture medium for the detection of active compounds on chromatographic plates (TLC-bioautography) was optimized. The compound ferulaldehyde, isolated from the methanol extract, showed antimicrobial, antioxidant and antiplasmodial properties. From the n-hexane extract two compounds were isolated, lupeol and friedelin. Lupeol showed indirect antimicrobial effect by decreasing the MIC of some antibiotics against MRSA; whereas friedelin was inactive. Although these three compounds have already been described in other plant species, this is the first report of their occurence in Cordia gilletii; the indirect antimicrobial effect of lupeol is described for the first time in this work.

As it belongs to the family of Boraginaceae, a family well known as one of the most important sources of pyrrolizidine alkaloids (PAs), Cordia gilletii is susceptible to contain these toxic compounds that were consequently researched. A GC-MS analysis did not reveal the presence of PAs (detection limit, 2 ppm) in root barks and leaves extracts of C. gilletii, suggesting a lack of PA-related toxicity of this plant. This reassuring finding needs to be confirmed with samples harvested at different locations.

This work reveals that C. gilletii may act against pathogenic microorganisms by: (i) a direct antimicrobial effect (partly due to férulaldéhyde); (ii) the enhancement or restoration of antibiotic activity against resistant strains (effect of lupeol); and (iii) an inhibitory effect on the expression of quorum sensing regulator genes, decreasing the virulence of microorganisms. These actions could help to fight infections caused by resistant strains.