Résumé : L'équilibre arbre-herbe dans la savane tropicale est reconnu comme l'une des principales

énigmes de l'écologie des plantes. Les origines du difficile équilibre entre ces formes de vie

sur des dizaines de millions de kilomètres carrés à l'échelle mondiale sont en partie attribuées

aux perturbations fréquentes induites par les feux de végétation dont les effets varient dans

l'espace et dans le temps selon les conditions environnementales. Les résultats de recherche

dépendent de l’échelle et les conclusions tirées d’études locales sont rarement transposables à

d’autres échelles. La question du transfert d'échelle s’avère donc cruciale dans l'étude des

effets du feu, et nécessite une approche transdisciplinaire.

En raison de la variété des échelles couvertes, cette étude constitue une première dans la

confrontation de données sur l’historique des feux dérivé de l'imagerie satellitaire à des

données de terrain incluant des mesures détaillées sur la structure et la composition de

végétation, ainsi que des propriétés édaphiques et topographiques. Elle s’est focalisée sur la

composante ligneuse de par son caractère pérenne et son influence sur les processus

écologiques majeurs. Sur une zone de plus de 2000 km², le Parc National du W du Niger

(PNWN), où le feu est utilisé comme outil pour la gestion et la conservation des écosystèmes

semi-arides, une carte de l'historique des feux a été élaborée à partir d'images MODIS de 250

m de résolution spatiale et de résolution temporelle journalière couvrant une période de sept

années (2002-2009). Pour comprendre la variabilité, à la fois dans l'espace et le temps, de la

propagation du feu dans la végétation, nous avons étudié les caractéristiques de distribution

des feux en termes de régime du feu (i.e. période d'occurrence et fréquence) et de structure

spatiale (métriques paysagères). Les relations causales plausibles entre les régimes du feu, les

conditions édaphiques et topographiques à l'échelle régionale comme locale, et les

caractéristiques de la végétation ligneuse (composition et structure) ont été examinées à

travers des analyses multivariées et des modèles d'équations structurales. Nous avons aussi

examiné plus en détails les stratégies adaptatives mises en oeuvre par les ligneux, et les

interactions biologiques qui sous-tendent l'organisation spatiale des ligneux à travers une

approche des processus ponctuels.

Les résultats montrent que l'activité du feu dans le PNWN se caractérise par une hétérogénéité

spatio-temporelle induite principalement par les conditions édapho-topographiques via la

structure de la végétation ligneuse. Les feux précoces de gestion créent des pare-feux

efficaces, limitant une large extension des feux de saison tardifs. Cependant, ces feux tardifs

pourraient ne pas être aussi destructifs comme qu’on le suppose généralement. En effet,

l'adaptation des espèces aux différents régimes defeu correspond à des stratégies de croissance

contrastées. Dans le cas des feux tardifs, les surfaces terrières et hauteurs moyennes les plus

fortes sont rencontrées, permettant aux arbres de résister au feu. Quant aux zones non

affectées par les feux l'analyse "patron-processus" désigne clairement la facilitation entre

ligneux comme un processus fondamental de l'organisation spatiale périodique du couvert, une

structure émergente qui empêche le passage du feu. Bien qu’ils ne se substituent pas aux

études expérimentales, ces résultats basés sur une expérimentation naturelle à large échelle

apportent des informations nouvelles précieuses tant au niveau fondamental que pour la mise

en place d'une gestion raisonnée du PNWN.

The tree-grass equilibrium in tropical savanna is recognized as one of plant ecology's main

conundrums. The origins of the difficult balance between these life forms over tens of millions

of square kilometers worldwide are in part attributed to the frequent disturbances caused by

vegetation fires effects of which vary in space and time depending on local environmental

factors. Research results are scale-dependent and findings from local studies are rarely

transposable to higher levels of ecosystem organization. The question of scaling (scale

transfer) is therefore crucial in the study of fire effects, and requires a multidisciplinary

approach.

Because of the variety of scales covered, this study is a premiere in the confrontation of

satellite-imagery derived fire history data with detailed field data including measurements of

vegetation parameters (structure and composition), as well as soil and topographic properties.

The study focuses on the woody component, because of its perennial character and its

influence on major ecological processes. On an area of more than 2000 km², the W National

Park of Niger (WNPN) where fire is used as a tool for the management and conservation of

semi-arid ecosystems, a fire history map was elaborated from MODIS images with a 250 m

spatial resolution and a daily temporal resolution over a period of seven years (2002-2009). To

understand the variability, both in space and time, of fire propagation in vegetation, we studied

the fire distribution characteristics in terms of fire regime (i.e. timing and frequency) and

spatial structure (landscape metrics). Plausible causal relationships at regional and local scales

between fire regimes, edaphic and topographic conditions, and the woody vegetation

(composition and structure) characteristics were examined through multivariate analyses and

structural equations models. We also examined in detail the woody species adaptive strategies

as well biological interactions, which underlie their spatial organization, using point statistics.

Results show that the WNPN fire's activity is characterized by spatial and temporal

heterogeneity induced mainly by edaphic and topographic conditions via the structure of the

ligneous component. Prescribed early season fires create effective firewalls, limiting wide late

season fires. However, these late fires might not be as destructive as is commonly assumed.

Indeed, species adaptation to different fire regimes corresponds to contrasting growth

strategies. In the case of late fires, increased basal areas and mean tree heights were

encountered, enabling trees to resist fire and escape flames. As for the unburned areas, the

"pattern-process" analysis clearly indicates that facilitation between shrubs is a fundamental

process determining the woody cover periodic spatial organization, an emergent structure that

prevents fire spread.

Although they do not replace experimental studies, these results based on a large-scale natural

experiment provide valuable new information both on a fundamental level and for setting up

the rational management of the WNPN.