Résumé : Alors qu’une riche littérature se concentre sur l’euroscepticisme au sein des arènes politiques nationales, les oppositions à l’Europe au niveau supranational restent largement négligées. Afin de contribuer à combler cette lacune, cette recherche s’interroge sur la façon dont les députés eurosceptiques conçoivent et exercent leur mandat représentatif au sein du PE. Fondée sur l’approche motivationnelle des rôles, il s’agit, d’une part, d’appréhender les rôles joués par les eurosceptiques au sein de l’assemblée et, d’autre part, d’expliquer l’hétérogénéité des rôles endossés par ces élus. Mobilisant une pluralité de données, cette recherche repose sur une méthodologie mixte, combinant méthodes qualitative et quantitative ainsi qu’approches inductive et déductive. L’analyse s’articule autour de deux séquences. La première propose une typologie d’idéaux-types de rôles permettant de rendre compte des pratiques et conceptions du mandat développées par les parlementaires eurosceptiques. La seconde explique la variation des rôles au sein de cette typologie et teste l’hypothèse selon laquelle le rôle dépend d’une combinaison de facteurs institutionnels et individuels. L’étude démontre que les eurosceptiques peuvent endosser quatre rôles, correspondant à une stratégie de défection ou de prise de parole, et que le rôle qu’ils jouent dépend à la fois des règles régissant le fonctionnement du PE et de leurs préférences relatives à l’intégration et à l’architecture institutionnelle de l’UE. Ce faisant, la recherche constitue une réflexion sur deux enjeux très distincts. Premièrement, alors que l’on assiste, dans de nombreux pays européens, à l’émergence de revendications d’acteurs contestant les structures institutionnelles en place, cette thèse permet de contribuer à l’étude, encore restreinte, de l’opposition antisystème au sein d’institutions parlementaires, le PE servant ici de laboratoire privilégié pour l’étude des stratégies de ces acteurs antisystème. Deuxièmement, à l’instar des travaux de sociologie de l’intégration européenne, cette recherche repose sur le postulat qu’analyser de façon microscopique un groupe restreint d’acteurs permet de s’interroger, de façon différente, sur le déficit démocratique et de légitimité du régime européen, en déplaçant la focale du niveau institutionnel au niveau individuel. Il s’agit alors d’appréhender les défis de légitimation de l’UE en se concentrant sur les acteurs hostiles à la construction européenne. Une analyse de leurs pratiques concrètes au sein de l’assemblée représentative permet de dégager des pistes de réflexion quant à leur capacité de légitimation du régime politique.

While an abundant literature focuses on Euroscepticism in the national political arenas, oppositions to Europe at the supranational level remain largely under-studied. In order to contribute to fill this gap, this research examines how Eurosceptic Members of the European Parliament (MEPs) conceive and carry out their representative mandate in the European Parliament (EP). Inspired by the motivational approach of role theory, the study aims first at understanding the roles played by Eurosceptics within the assembly and second at explaining the heterogeneity of the roles played by these actors. Using a plurality of data, this research is based on mix-methods, combining qualitative and quantitative methodologies as well as inductive and deductive approaches. The analysis proceeds in two steps. The first proposes a typology of ideal-types of roles that allows understanding the ways Eurosceptics conceive and carry out their parliamentary mandate. The second explains the variation between the roles and tests the hypothesis that the role played by an actor depend on the combination of institutional and individual factors. The study demonstrates that Eurosceptics may assume four roles, corresponding to an exit or voice strategy, and that the role they play depends both on the EP’s rules and MEP’s preferences concerning European integration and the EU’s institutional design. The research contributes to on-going debates on two very different issues. First, while we witness in many European countries, the emergence of anti-system actors, this thesis can contribute to the study of the anti-systemic opposition within parliamentary institutions, the EP being here a special laboratory for the study of the strategies of anti-system actors. Second, like recent studies focusing on the sociology of European integration, this research is based on the premise that analysing a small group of actors allows to question in a different way, the democratic and legitimacy deficit of the EU, moving the focal from the institutional to the individual level. The aim is then to understand the challenges of legitimacy of the EU by focusing on actors hostile to the European project. An analysis of their actual practices in the EP allows us to reflect on their ability to legitimize the political system.