Résumé : Afin de mieux comprendre la physiopathologie et de mieux caractériser les différents types de tumeurs thyroïdiennes, notre travail s’inscrit dans un projet de recherche visant à identifier des biomarqueurs (signatures moléculaires) et à développer des outils permettant le diagnostic, le pronostic et le traitement de ces tumeurs. Afin d’arriver à cet objectif, les profils d’expression de différents types de tumeurs thyroïdiennes sont étudiés, ainsi que leurs modèles in vitro. L’un des mécanismes physiopathologiques rencontré dans le développement de tumeurs est la dérégulation ou l’expression aberrante de microARN. Il a, par ailleurs, été rapporté que cette famille d’ARN pourrait fournir de bons classifieurs moléculaires. Nous nous sommes dès lors demandés quelle pouvait être l’implication de ces microARN dans le développement des tumeurs thyroïdiennes, et s’ils pouvaient fournir un bon outil de classification.

Ainsi, dans la première partie de cette thèse, nous avons caractérisé les profils d’expression miRNA d’une tumeur bénigne différenciée, l’adénome autonome hyperfonctionnel. Afin d’aller au-delà d’une simple description des régulations miRNA observées, nous avons également étudié les profils d’expression ARNm. Au travers d’algorithmes de prédiction de cibles ARNm de miRNA, nous avons pu proposer des hypothèses quant à la signification des régulations observées. De plus, en utilisant un test fonctionnel luciférase, nous avons montré que deux miRNA (hsa-miR-144 et hsa-miR-451) peuvent lier le 3’UTR et réprimer l’expression d’une phosphodiestérase (PDE4D), mettant ainsi en évidence un mécanisme de rétrocontrôle négatif du niveau d’AMPc dans ce type de tumeur.

Outre les adénomes autonomes, nous avons également étudié les profils d’expression des microARN dans les adénomes et carcinomes folliculaires, afin de mieux comprendre leurs physiopathologies et d’étudier le pouvoir discriminant des miRNA pour la distinction de ces deux types de tumeurs. Nos résultats, encore partiels, remettent en question l’actuelle classification des adénomes et carcinomes folliculaires en deux groupes distincts. Nos données vont plutôt vers un continuum de tumeurs appartenant à une classe unique mais présentant des stades d’évolution différents.

Afin de pouvoir étudier plus en profondeur les mécanismes tumoraux, il est nécessaire d’avoir à sa disposition de bons modèles in vitro. Nous avons étudié la représentativité des cultures primaires de thyrocytes humains sains et de lignées cellulaires thyroïdiennes humaines cancéreuses pour l’étude des microARN dans les tumeurs thyroïdiennes. Nos résultats indiquent que les longs temps de stimulation des cultures primaires par la TSH ou l’EGF/sérum ne mimiquent respectivement pas les adénomes autonomes ou les carcinomes papillaires, comme c’est le cas au niveau des ARNm. Par contre, il apparaît clairement que les lignées cellulaires, du point de vue des miRNA, ont toutes évolué vers un phénotype commun, dédifférencié. Elles représentent dès lors un bon modèle pour l’étude des cancers thyroïdiens anaplasiques.

Nos résultats nous ont également amenés à nous poser des questions sur la stabilité des miRNA. Nous avons ainsi entrepris d’en étudier la demi-vie. Nous avons mis au point une stratégie expérimentale permettant d’en étudier la stabilité dans des conditions les plus physiologiques possibles. Ceci nous a permis d’obtenir un atlas de demi-vies des miRNA dans la lignée cellulaire BCPAP.