Résumé : RESUME GENERAL

Contexte : une association entre exposition prolongée aux champs magnétiques (CM) d’extrêmement basses fréquences (ELF) et risque sanitaire a été établie pour la leucémie infantile (CM 50/60 Hz de l’électricité, RR = 2,0 pour ≥ 0,4 µT d‘intensité moyennée dans le temps) et est suggérée pour le décès par maladie d’Alzheimer (CM 50/60 Hz, CM 16,7 Hz des voies ferrées pour 21 µT d’intensité moyennée dans le temps) et pour certaines hémopathies chez l’adulte (CM 16,7 Hz). Ces associations restent inexpliquées à ce jour. Sur base d’observations animales (effets des CM ELF sur la sécrétion de mélatonine) d’une part, et de la sensibilité magnétique confirmée des cryptochromes (régulateurs des biorythmes) d’autre part, il a été suggéré que ces associations puissent être dues à une perturbation des biorythmes par les CM ELF. Selon les instances internationales, une intensité > 1 mT est requise pour l’existence d’effets biologiques.

Objectifs et méthode : sur base d’une revue exhaustive de la littérature et de modèles théoriques reconnus, le présent travail développe certains mécanismes possibles pour un effet perturbateur des biorythmes par les CM ELF. L’impact en santé publique de cette hypothèse est ensuite évalué. Enfin, des protocoles sont proposés pour sa mise à l’épreuve, tenant compte des mécanismes envisagés.

Résultats : la possibilité existe d’une interaction des oscillations ELF de l’intensité et/ou de l’orientation du CM (somme vectorielle du CM ELF et du CM terrestre ou CMT) avec les cryptochromes rétiniens. Chez l’animal magnétosensible (dont le rongeur), une perturbation des biorythmes pourrait être consécutive à un mécanisme non spécifique de perturbation sensorielle. Toute observation animale pourrait donc ne pas être extrapolable à l’Homme. Chez ce dernier, une perturbation des biorythmes pourrait être causée par les oscillations de l’intensité du CM (peut- être dès < 100 µT d’intensité de CM ELF). Une telle perturbation pourrait aussi être causée par les variations spatiales de l’intensité du CMT qui existent dans l’environnement résidentiel (proximité de structures métalliques). Par ailleurs, dans l’éventualité de l’existence, chez l’Homme également, d’une sensibilité directionnelle basée sur les cryptochromes rétiniens, les oscillations de l’orientation du CM pourraient alors aussi interférer avec ces cryptochromes (peut-être dès ≤ 10 µT). Dans l’hypothèse où une telle interférence affecte les biorythmes, seules pourraient alors être concernées les oscillations dont l’amplitude atteint plusieurs degrés d’angle. Un tel mécanisme ne pourrait donc s’appliquer à la relation entre CM ELF et leucémie infantile que dans l’éventualité où les intensités les plus élevées (+ 1 à 2 SD) de CM ELF y jouent un rôle. Au cas où l’hypothèse de la perturbation des biorythmes par les CM ELF se voyait confirmée, d’autres troubles de santé seraient alors concernés et d’autres sources de CM seraient en cause, tels les CM statiques d’intensité variable émis par les lignes de transport électrifié. Les paramètres d’exposition considérés devraient inclure l’orientation relative CM ELF/CMT, mais aussi l’intensité locale du CMT (facteur à la fois déterminant et confondant dans la présente hypothèse). L’expérimentation animale devrait investiguer l’expression des clock genes. L’expérimentation humaine devrait investiguer les biorythmes chez l’enfant. Et l’épidémiologie devrait investiguer l’incidence de troubles liés à une perturbation des biorythmes en relation avec l’exposition aux CM ELF ainsi qu’aux variations locales de l’intensité du CMT.

Conclusions : malgré les incertitudes persistantes quant aux fonctions précises des cryptochromes de la rétine humaine et quant à l’exactitude des modèles théoriques qui décrivent les interactions entre CM et cryptochromes, certains mécanismes paraissent possibles pour une interaction entre CM ELF et biorythmes. En l’absence persistante d’alternative valide pour l’explication de l’association entre CM ELF et leucémie infantile, l’hypothèse de la perturbation des biorythmes par ces CM paraît devoir être investiguée plus avant, mais en tenant compte des variations locales d’intensité du CMT.

Background: An association between prolonged exposure to extremely low frequency (ELF) magnetic fields (MF) and health risk has been established for childhood leukemia (50/60 Hz MF of electricity, RR = 2.0 for ≥ 0.4 µT of time-averaged intensity) and is suggested for death by Alzheimer's disease (50/60 Hz MF, 16.7 Hz MF of railways at 21 µT of time-averaged intensity) and for some hematologic malignancies in adults (16.7 Hz MF). These associations remain unexplained so far. Based on animal studies (effects of ELF MF on melatonin secretion) on the one hand, and on the confirmed magnetic sensitivity of cryptochromes (regulators of biorhythms) on the other hand, it has been suggested that these associations may be due to a disruption of biorhythms by ELF MF. From current data, however, biological effects seem only possible at > 1 mT of intensity.

Objectives and methods: on the basis of an exhaustive literature review and with use of recognized theoretical models, this paper develops some possible mechanisms for disruption of biorhythms by ELF MF. The public health impact of this hypothesis is then evaluated. Finally, protocols are proposed for the testing of it, with taking into account the proposed mechanisms.

Results: an interaction seems possible between ELF oscillations of the intensity and/or the orientation of the ambient MF (the vector sum of both the ELF MF and the geomagnetic field or GMF) with retinal cryptochromes. In magnetosensitive animals (including rodents), disruption of biorhythms may then be secondary to a non-specific mechanism of sensory disturbance. All animal observation could therefore not be extrapolated to humans. In the latter, on his turn, a disruption of biorhythms may be caused by the oscillations of the MF intensity (perhaps from <100 µT of ELF MF intensity). Such disruption could also be caused by spatial variations of the intensity of the GMF that exist in residential environment (near steel structures). Moreover, in case of the existence in humans (like in animals) of a directional sensitivity based on retinal cryptochromes, then the oscillations of the MF orientation also could interfere with these cryptochromes (perhaps from ≤ 10 µT). In the event that such interference affects biorhythms, only oscillations of several degrees of amplitude would then be concerned. As a consequence, such a mechanism could apply to the relation between ELF MF and childhood leukemia only in the event that the highest MF intensities (Mean + 1-2 SD) also play a role in that relation. In the event the hypothesis of disruption of biorhythms by ELF MF is confirmed, other health problems would be concerned and other kind of MF would be involved, such as the static MF of variable intensity that are emitted by the lines of electrified transport. The considered exposure parameters should include the relative orientation of ELF MF and GMF, but also the local intensity of GMF (both determining factor and confounder in this case). Animal experiments should investigate the expression of clock genes. Human experimentation should investigate biorhythms in children. And epidemiology should investigate the incidence of disorders related to disruption of biorhythms in relation to exposure to ELF MF as well as to local variations in the intensity of the GMF.

Conclusions: Despite the persisting uncertainties about the precise functions of retinal cryptochrome as well as about the accuracy of the theoretical models that describe the interactions between MF and cryptochromes, some mechanisms seem possible for an interaction between ELF MF and biorhythms. In the persisting absence of valid alternative explanation for the association between childhood leukemia and ELF MF, the hypothesis of biorhythm disturbance by ELF MF deserves further investigation, however with taking into account local intensity variations of the GMF.