Résumé : L’objectif de cette thèse est de présenter, au travers de 4 chapitres, un regard nouveau sur l’amorçage social et son caractère automatique.

Le premier chapitre est consacré aux différentes conceptualisations de l’amorçage en vogue au sein de deux disciplines sœurs que sont la psychologie cognitive et la cognition sociale. Grâce à une série d’éléments historiques et théoriques, je montre en quoi les différentes conceptions de ce phénomène se recoupent, mais divergent aussi profondément. En outre, à l’aide de cet examen de la littérature, j’expose les questions que soulèvent toujours à ce jour les mécanismes rendant compte du phénomène d’amorçage social.

Ainsi, en psychologie cognitive, il est largement reconnu que l’amorçage est sous-tendu par un processus de diffusion d’activation entre la représentation activée par l’amorce et celle de la réponse comportementale. Ce postulat implique entre autres qu’un amorçage trop faible, par exemple subliminal, ne porte pas suffisamment d’activation que pour engendrer des effets à un niveau sémantique. Par contre, en cognition sociale, l’induction d’effets de nature sémantique, par la présentation d’amorces subtiles ou peu perceptibles, semble bien démontrée et ne poserait aucun problème théorique particulier. Ces effets seraient expliqués par le recours à des voies directes entre représentation activée et comportement, court-circuitant la structuration sémantique des connaissances. Cette affirmation ne semble néanmoins soutenue par aucun argument empirique spécifique.

En vue de trancher dans ce débat, j’ai décidé de revenir à la base du concept d’amorçage en cognition sociale et de tenter d’en comprendre ses mécanismes. Pour ce faire, j’ai tenté de répliquer une des expériences les plus emblématiques de cette littérature : l’expérience 2 de Bargh, Chen et Burrows (1996). Cette démarche, présentée dans le chapitre 2, a tout d’abord permis d’établir que cette expérience ne peut être répliquée aisément. Ensuite, elle a montré que certains aspects environnementaux étaient déterminants dans cette situation expérimentale, indiquant que les amorces seules étaient insuffisantes pour activer le comportement. Enfin, ces travaux ont mis en évidence que la méthode des phrases mélangées ne garantissait pas que le processus soit non conscient.

Suite à cette série de tentatives de réplication échouées, ainsi qu’aux nombreuses discussions qu’elles ont engendrées, j’ai décidé de m’intéresser plus particulièrement à la problématique que représente la réplication en psychologie.

Dans une approche exposée dans le chapitre 3, je distingue les réplications directes des réplications conceptuelles et expose leurs bienfaits et dangers. Aussi, je montre que la littérature sur l’amorçage social, phénomène jugé comme incontestable en cognition sociale, émane d’une littérature principalement fondée sur un ensemble de réplications conceptuelles. Ceci soulève un nombre important de problèmes, dont le fait de considérer tant de résultats hétérogènes comme relevant d’un seul et même phénomène d’amorçage, alors que les processus qui le sous-tendent demeurent encore sous-spécifiés.

Pour faire face à ces problèmes, j’ai décidé de changer d’approche. Il s’agira donc d’opérationnaliser l’amorçage social dans une situation expérimentale offrant plus de contrôle et permettant d’observer plus directement certains de ses processus. Dans le chapitre 4, je rapporte les résultats des études que ce paradigme combinant à la fois mesures électromyographiques et Implicit Association Test a permis de réaliser. Ceux-ci permettent d’esquisser une dynamique des étapes de traitement impliquées dans la mise en place de comportements induits par l’activation de représentations de nature sociale, comme les stéréotypes. Plus particulièrement, ils montrent que l’accès à ces représentations nécessite la mobilisation de ressources attentionnelles, soulignant à nouveau l’importance de variables modératrices dans un phénomène pourtant considéré largement comme automatique.

À l’issue de cette dissertation, j’espère avoir offert au lecteur une base pour percevoir et comprendre les défis encore à relever pour le champ de la littérature relatif à l’amorçage social. Ce faisant, j’espère avoir également ébauché une piste de solution potentielle visant à mieux appréhender et décrypter les processus du phénomène d’amorçage social.