Résumé : L’infection persistante par les papillomavirus (HPV) dits « à haut risque » induit le cancer du col. Chez les femmes infectées par le VIH, les infections par ces HPV oncogènes et les lésions associées, allant des dysplasies au cancer invasif, sont plus fréquentes, plus sévères et de moins bon pronostic que chez les femmes non porteuses du VIH. Etonnamment, alors qu’il a été clairement établi que l’importance de la pathologie liée à HPV est directement proportionnelle au degré d’immunodépression des patientes porteuses du VIH, il n’a pas pu être démontré qu’un traitement antirétroviral efficace contre le VIH permettant d’améliorer l’immunité, diminue l’infection par ces HPV.

Entre janvier 2002 et décembre 2012, nous avons constitué une cohorte prospective de dépistage et de suivi de l’infection cervicale par HPV à haut risque incluant plus de 900 femmes traitées à la consultation du Centre de Référence SIDA de l’hôpital Saint-Pierre. Nos résultats montrent que chez ces femmes pour la plupart d’origine Africaine et traitée avec succès pour le VIH depuis plusieurs années, la prévalence et l’incidence de l’infection par HPV oncogène sont beaucoup plus importantes que dans la population belge générale ou que chez les femmes séropositives vivant dans d’autres pays occidentaux. Grâce à un suivi longitudinal de plusieurs années, nous avons pu démontrer que le risque d’être infectée par un HPV oncogène est significativement réduit sous trithérapie anti-VIH sous réserve d’obtenir une charge virale indétectable à <50 cp/ml pendant plus de 3 ans ou une restauration immunitaire à >500 lymphocytes CD4+/µL pendant plus d’un an et demi. Ces résultats ont été confirmés dans l’analyse que nous avons faite sur les nombreuses dysplasies cervicales également retrouvées dans notre cohorte. Enfin, nous avons trouvé que la distribution des génotypes d’HPV de nos patientes est similaire à celle trouvée en Afrique sub-saharienne impliquant que la couverture offerte par les vaccins anti-HPV varie entre moins de 30% pour les vaccins bi- ou quadrivalent actuellement disponibles à 80% pour le vaccin nanovalent en développement. Notre travail met en lumière l’étendue particulièrement importante de l’infection par HPV à haut risque chez les femmes séropositives vivant en Belgique et offre de nouveaux éléments de réflexion afin d’adapter à leurs particularités les recommandations belges et les critères de remboursement à la fois pour le dépistage du cancer cervical et la vaccination anti-HPV.

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Persistent infection with human papillomavirus (HPV) called “at high risk” induces cervical cancer. In HIV-positive women, infection with these oncogenic HPV and HPV-induced lesions ranging from cervical dysplasia to invasive cancer are more frequent, more severe and have a worst outcome than in HIV-negative women. An intriguing paradox is that, although it has been clearly demonstrated that high risk HPV infection and associated diseases are increased by progressive immune deficiency, the introduction of efficient therapy against HIV leading to improved immunity has not been associated with a decrease in oncogenic HPV infection or HPV-induced lesions.

Between January 2002 and December 2012, we have built a prospective cohort to screen and follow-up cervical infection by high risk HPV in more than 900 women treated for HIV in the AIDS Reference centre of Saint-Pierre Hospital. We have shown that among these women mainly from Sub-Saharan African origin and successfully treated for HIV for several years, the prevalence and incidence rate of high risk HPV are much higher than in the general population from Belgium or in HIV-positive women from other western countries. After several years of longitudinal follow up, we have demonstrated that the risk of infection by oncogenic HPV is significantly reduced by efficient therapy against HIV provided that HIV viral load has been sustainly suppressed below 50 cp/ml for more than 3 years or that immunity has been increased more than 500 CD4+T cells/µl for more than 1.5 years. These results have been confirmed in the analysis on cervical dysplasia which is also very prevalent in our cohort. At last, we have found that the HPV genotype distribution in our population is very similar to the one found in Sub-Saharan Africa. We have estimated that the coverage offered by the vaccines against HPV in our cohort is less than 30% for the currently available bi- or quadrivalent vaccine but reaches 80% with the future nanovalent vaccine. Our results highlight many differences in the HPV infection and associated diseases in HIV-positive women compared to HIV-negative women; these differences should be taken into account to adapt to our specific population the current Belgian guidelines or the reimbursement criteria on cervical screening and on vaccines against HPV.