Résumé : Depuis la description des premiers cas de SIDA pédiatriques en 1983, d’importants progrès ont été réalisés dans la compréhension des mécanismes de transmission, puis dans la prévention de celle-ci, et dans la connaissance de l’histoire naturelle de l’infection par le VIH chez l’enfant. Depuis 1996 les multithérapies ARV ont permis une diminution considérable de la transmission verticale et de la morbidité et mortalité des enfants infectés par le VIH.

Les buts de ce travail ont été :

• d’évaluer, dans le contexte de l’offre de soin mise en place dans un centre de référence,

l’impact de l’administration prophylactique des traitements ARV pendant la grossesse sur la transmission verticale du virus.

• de déterminer si l’instauration précoce d’un traitement ARV chez les enfants infectés à la naissance et encore asymptomatiques améliorait le devenir de l’enfant.

• de contribuer à l’évaluation de l’impact de l’exposition à la maladie maternelle et aux traitements ARV sur le devenir des enfants non infectés nés de mères infectées par le VIH.

Une étude rétrospective portant sur les enfants nés de mères infectées par le VIH et suivis à l’hôpital St-Pierre entre 1986 et 2002, nous a permis de comparer 3 cohortes de naissance correspondant à différents types de prise en charge. Nous avons pu montrer que le taux de transmission a diminué globalement de 10% durant la période précédant l’administration de prophylaxie ARV à 5% durant la troisième période où les multithérapies étaient recommandées en prophylaxie durant la grossesse. Nous avons montré

que chez les mères qui ne bénéficiaient pas de prophylaxie ARV le taux de transmission avait augmenté significativement entre 1986 et 2002; le plus souvent suite à une prise en charge trop tardive de la grossesse, à un dépistage tardif de la séropositivité maternelle, ou à une mauvaise compliance au traitement.

Chez le nouveau-né infecté par le VIH, la multiplication virale est beaucoup plus importante

et prolongée que lors de la primo-infection chez l’adulte. Parallèlement, l’évolution clinique de l’infection peut être rapide dans un quart des cas, et aboutir au SIDA ou au décès avant l’âge de 1 an, sans qu’il existe de bons facteurs prédictifs de cette évolution défavorable en début de vie. Jusqu’en 2007, les différentes recommandations internationales indiquaient de débuter un traitement chez les nourrissons infectés lors d’apparition de symptômes cliniques ou d’immunodépression. Cependant dès 1996, certains centres dans des pays industrialisés, dont l’équipe de pédiatrie du CHU St Pierre, ont décidé d’initier un traitement ARV chez tous les nourrissons infectés dès confirmation du diagnostic. En 2006, nous avons initié une étude rétrospective multicentrique incluant 13 cohortes européennes visant à étudier l’impact du traitement précoce sur l’évolution clinique et biologique de l’enfant. Les données de 210 enfants,nés entre 1996 et 2004 et infectés à la naissance ont été analysées, et ont permis de dé4

montrer que les enfants traités avant l’âge de 3 mois avaient un risque de développer un sida ou de décéder 5 fois inférieur aux enfants traités après cet âge. Des résultats similaires ont été observés dans une étude randomisée réalisée en Afrique du Sud et publiée simultanément. Depuis, les recommandations internationales ont été revues

et préconisent la mise sous traitement de tous les nourrissons infectés. L’analyse des données biologiques a permis de montrer que la réponse virologique immédiate était plus rapide avec un pic de charge virale moins élevé et que la chute des lymphocytes CD4 était moins prononcée lorsque le traitement était débuté précocement.

Avec la généralisation de la prophylaxie ARV pendant la grossesse, le nombre d’enfants exposés in utero au VIH mais indemnes de l’infection a considérablement augmenté.

Des études, menées principalement dans des pays en développement, ont révélé un risque accru de morbidité et de mortalité infectieuse ainsi que la survenue d’infections sévères inhabituelles chez ces enfants. Nous avons été frappés durant le suivi de ces enfants par la survenue d’un nombre élevé d’infections néonatales causées par le streptocoque du groupe B (GBS). La comparaison avec le taux d’infection observé dans une population contrôle (estimé sur base des naissances survenues pendant la même période dans le même hôpital) nous a permis de décrire une incidence 19 fois supérieure d’infection à GBS chez les enfants exposés au VIH et non infectés que chez les enfants contrôles. Il s’agit du premier travail publié évoquant une susceptibilité accrue aux infections des enfants exposés non infectés dans un pays industrialisé.

En conclusion, la prophylaxie ARV pendant la grossesse et en début de vie a permis de diminuer considérablement la transmission verticale de l’infection à VIH. Un dépistage manqué, une prise en charge tardive de la grossesse, ou la mauvaise adhérence au traitement sont encore responsables d’infection du nouveau-né. Lors de confirmation

d’infection du nourrisson par le VIH, il est très important de débuter un traitement le plus rapidement possible afin de contrôler rapidement la multiplication virale, de maintenir une bonne immunité et de prévenir le développement de la maladie. Enfin, en l’absence d’infection du nourrisson par le VIH, il est important de poursuivre le suivi pendant les premières années de vie puisqu’il semble que les enfants exposés au

VIH et non infectés soient plus susceptible aux infections sévères. Ceci a été démontré en ce qui concerne les infections néonatales à GBS.