Résumé : Ce travail doctoral se penche sur un groupe d’artistes et d’artisans actifs dans la seconde moitié du XIXe siècle dans le domaine de la sculpture, et plus précisément sur la façon dont ceux-ci ont à a fois restauré de nombreuses sculptures médiévales et réalisé des sculptures néo-gothiques. Le sujet a été circonscrit à la sculpture religieuse mobilière en bois, et plus spécifiquement aux statues et aux retables conservés dans des églises gothiques. Une approche multidisciplinaire, entre Moyen Âge et XIXe siècle, a été privilégiée. Les artistes et artisans étudiés (Jules Helbig, Adrien Hubert Bressers, les frères Blanchaert, Jean-Baptiste Bethune) posent les bases du style dit « des Écoles Saint-Luc » ou illustrent des travaux de la seconde génération (Léon Bressers). Ils sont membres de la Gilde de Saint-Thomas et de Saint-Luc et revendiquent, sous l’influence de l’architecte anglais A.W.N. Pugin, un lien exclusif avec l’art médiéval dans leurs réalisations. Au sein de la Gilde, l'étude de l'art médiéval et les discussions sur le mobilier religieux à créer se doublent d'une recherche sur les règles liturgiques (au sujet des autels principalement), de manière à retrouver, autant que possible, les formes et usages anciens tout en restant conforme avec les prescriptions en vigueur. Les membres, et en particulier les personnalités étudiées, participent ainsi au renouveau chrétien de la seconde moitié du XIXe siècle.

Les sculpteurs-restaurateurs et les peintres-restaurateurs sélectionnés visent avant tout une présentation jugée digne des sculptures médiévales qui passent entre leurs mains. Ils sont, pour ce faire, imperméables à toute notion d’authenticité. Les aspects religieux primant et dans un contexte de forte pilarisation, ils adoptent sur cette question une position monolithique, alors même que la réflexion au sujet de la restauration de la sculpture polychromée se développe, notamment au sein de la Commission royale des Monuments. Dans les traitements de restauration, les Blanchaert, les Bressers et Jules Helbig font preuve d’un vrai souci archéologique mais rarement de réflexion critique sur l’opportunité ou pas de reconstituer des éléments lacunaires, sur le bien fondé de l’adjonction des attributs, ou sur les pratiques de décapage et de repolychromie. Ce travail doctoral démontre par ailleurs que les nouvelles polychromies néo-gothiques, en particulier celles confectionnées par les Bressers, sont souvent le reflet, voire des copies, des anciennes polychromies quand elles étaient bien conservées.

Les discussions menées au sein de la Gilde ont eu un impact non négligeable sur la question du démembrement des autels baroques et néo-classiques ainsi que sur la création du nouveau mobilier néo-gothique en Belgique.

L’étude d’une série de retables néo-gothiques apporte de nouvelles clefs de lecture sur la conception des programmes iconographiques globaux, la répartition des retables dans l'espace ecclésial, la typologie des œuvres, la conception des compositions et le style adopté pour les groupes sculptés. L'influence de Pugin a pu être montrée, notamment dans le caractère très hiérarchisé donné aux œuvres, et cela à tous les niveaux de la représentation.

Dans son ensemble, ce travail doctoral offre une contribution significative sur l’historicisme et l’histoire des mentalités.