Résumé : Les reins sont les organes cibles de nombreuses molécules toxiques. Les cellules épithéliales du tubule proximal rénal sont particulièrement vulnérables vis-à-vis de xénobiotiques utilisés comme médicaments ou non. Ces agressions peuvent être corrélées à une augmentation du stress oxydatif et induire la mort cellulaire. Elles peuvent également mener à la perte des caractéristiques phénotypiques des cellules épithéliales, initiant leur dédifférenciation en cellules mésenchymateuses et éventuellement en fibroblastes, principaux responsables de la fibrose rénale.

Les stratégies de protection – notamment implémentées en clinique lors de l'administration de médicaments néphrotoxiques – reposant sur une approche pharmacologique restent rares.

A partir de données de médecines traditionnelles, nous avons sélectionné une série de plantes considérées utiles pour le traitement ou la prévention de troubles associés aux maladies rénales : Angelicae sinensis radix, Eleutherococci radix, Ginseng radix, Schisandrae chinensis fructus et Silybi mariani fructus.

A l'aide d'un modèle in vitro reposant sur l'emploi de la lignée cellulaire HK-2, nous avons examiné si ces produits pouvaient apporter une protection efficace vis-à-vis de 3 xénobiotiques néphrotoxiques : les acides aristolochiques, le cisplatine et la ciclosporine. Cinq phénomènes impliqués dans la néphrotoxicité et couramment retrouvés lors du développement de la fibrose rénale ont été investigués : (i) la mortalité cellulaire et l'apoptose ; (ii) la génération de stress oxydatif ; (iii) la modulation des capacités de régénération ; (iv) la production de matrice extracellulaire ; et (v) l'activation de la voie de signalisation de la β-caténine.

Parmi les 5 plantes étudiées sur ce modèle, celle présentant l'activité la plus intéressante vis-à-vis de l'un des 3 toxiques a été investiguée plus en détails afin d'identifier le(s) composé(s) responsable(s) de sa bioactivité. Les résultats ont indiqué que l'extrait méthanolique d'Angelica sinensis était le plus efficace pour réduire la néphrotoxicité induite par le cisplatine. Ces principes actifs – l'acide férulique, le Z-ligustilide et le E-ligustilide – ont été testés selon la même méthodologie.

L'acide férulique a été le plus efficace pour améliorer la survie cellulaire et diminuer l'apoptose induite par le cisplatine. Il a également permis de réduire la production de matrice extracellulaire, de stimuler les capacités de régénération de cellules saines et d'inhiber partiellement la voie de signalisation de la β-caténine. Il n'a toutefois pas été capable de limiter la génération de stress oxydatif induite par le traitement au cisplatine.

L'acide férulique semble être un candidat prometteur pour protéger les tubules rénaux vis-à-vis du cisplatine et pourrait contribuer à limiter l'initiation et le développement de la fibrose rénale.

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The kidneys are targets of numerous toxic compounds. Proximal tubular epithelia cells are particularly vulnerable to xenobiotics used as drugs or not. These injuries can be associated with an increased oxidative stress and can trigger cell death. They can also lead to the loss of phenotypic characteristics of epithelial cells and initiate their dedifferentiation in mesenchymal cells, eventually evolving in fibroblasts, major actors responsible for renal fibrosis.

Protective strategies – including those implemented in clinical practice during the administration of nephrotoxic drugs – relying on a pharmacological approach remain seldom.

By means of data issuing from traditional medicines, we selected a series of herbs potentially useful for the treatment or prevention of troubles associated with kidney diseases: Angelicae sinensis radix, Eleutherococci radix, Ginseng radix, Schisandrae chinensis fructus and Silybi mariani fructus.

Using an in vitro model based on HK-2 cell line, we examined if these herbal products could bring an effective protection towards 3 nephrotoxic drugs: aristolochic acids, cisplatin and ciclosporin. Five phenomena involved in nephrotoxicity and regularly occurring during the progression of renal fibrosis were investigated: (i) cell death and apoptosis; (ii) oxidative stress generation; (iii) modulation of regeneration capacities; (iv) extracellular matrix production; and (v) β-catenin pathway activation.

Among the 5 herbs that were studied, the one presenting the most interesting effects towards one of the 3 toxicants has been investigated in details in order to identify the compound(s) responsible for its bioactivity. Results indicated that the crude methanolic extract of Angelica sinensis was the most potent for reducing cisplatin-induced nephrotoxicity. Its active principles – ferulic acid, Z-ligustilide and E-ligustilide – were tested according to the same methods.

Ferulic acid was the most potent compound for improving cell survival and for alleviating cisplatine-induced apoptosis. It also allowed to restrain the extracellular matrix production, enhanced the regeneration capacities of healthy cells and partially inhibited the activation of the β-catenin pathway. It was however ineffective in preventing the generation of oxidative stress induced during cisplatin treatment.

Ferulic acid appears as a promising candidate for protecting renal tubules against cisplatin's nephrotoxicity and could contribute to limit the onset and progression of renal fibrosis.