Résumé : Nous proposons que c’est le manque d’individualisation qui fait défaut aux méthodes actuelles destinées à traiter l’alcoolo-dépendance qui ne s’avèrent que modérément efficaces, si l’on en juge par la proportion importante de rechutes sous traitement. Les théories contemporaines dominantes postulent que les addictions et leur maintien pourraient être expliqués par le déséquilibre entre deux grands systèmes neuraux et les mécanismes cognitifs qui y sont associés: un système impulsif, dépendant des régions méso-cortico-limbiques, à la base des mécanismes de récompense, de renforcement et de la formation d’habitudes, et un système réflexif, dépendant du cortex préfrontal, indispensable aux comportements de prise de décision, à l’anticipation des conséquences des comportements et au contrôle inhibiteur. Nous avons dans ce travail développé des outils électrophysiologiques de diagnostic de deux troubles cognitifs clés associés au dysfonctionnement de ces deux systèmes : les biais attentionnels et les troubles de l’inhibition. Nous avons pré-testé ces tâches combinées à l’enregistrement des potentiels évoqués dans des populations d’étudiants binge drinkers et de gros consommateurs d’alcool. Nous avons ensuite testé leur valeur prédictive de la rechute dans une population de patients dépendants en fin de cure de désintoxication. Nous pensons avoir dégagé l’existence de deux marqueurs neurophysiologiques pouvant prédire à trois mois la rechute ou l’abstinence du patient alcoolo-dépendant : il s’agit (1) d’un facteur de rechute, indexé par une P3d plus ample suggérant un besoin accru de ressources neurales pour inhiber correctement un comportement, et (2) d’un facteur de protection, indexé par une composante P3 moins ample en réponses aux stimulations liées à l’alcool, suggérant qu’un investissement motivationnel moindre des stimuli « alcool » peut protéger d’une rechute. La réplication et la confirmation de nos résultats ainsi que l’amélioration de nos outils pourraient mener à l’utilisation des marqueurs mis en évidence en pratique clinique afin d’orienter de façon personnalisée la prise en charge des patients.