Résumé : Les complexes de métaux de transition, et plus particulièrement de ruthéniumII, ont connu un essor formidable depuis le milieu des années 1950 avec la découverte du complexe [Ru(bpy)3]2+. Depuis lors, de nombreuses recherches et découvertes ont permis de mettre au point un schéma photophysique prototypique pour les complexes de ruthéniumII comportant des ligands polypyridiniques. En variant la nature des ligands complexés à ce centre métallique, il a été possible de faire varier les propriétés photophysiques, photochimiques et électrochimiques des complexes résultants. Toutes ces modifications ont permis de mettre au point des complexes de ruthéniumII qui possèdent des applications dans des domaines variés. Ils sont par exemple utilisés dans le domaine de la photo-conversion d’énergie solaire ou dans le domaine de la photo-catalyse, permettant notamment de scinder l’eau en oxygène, ou de produire du dihydrogène au départ de protons. Ces complexes de ruthéniumII sont également utilisés dans le domaine biologique où ils peuvent interagir avec l’ADN via de nombreux processus. Les recherches au laboratoire de chimie organique et photochimie de l’Université libre de Bruxelles ont été concentrées sur le développement de ligands polyazaaromatiques qui possèdent un caractère π-accepteur prononcé. L’utilisation de tels ligands permet d’accéder à des complexes de ruthéniumII dont le caractère photo-oxydant est davantage prononcé que celui de leurs analogues de type [Ru(bpy)3]2+. Ce caractère photo-oxydant permet, dans le cadre d’applications biologique, d’induire la formation d’un photo-adduit résultant d’un transfert d’électron entre la guanine, base la plus réductrice de l’ADN, et le complexe de ruthéniumII.

Les ligands π-accepteurs permettent également de diriger et de localiser le transfert d’électron à l’état excité. Lorsque le complexe absorbe un rayonnement lumineux de bonne énergie, un électron peut être transféré du centre de ruthéniumII vers un des ligands ancillaires. Ce transfert d’électron aura lieu vers le ligand qui est le plus avide en électrons. Ce phénomène trouve des applications directes en photo-conversion d’énergie solaire. En effet, afin de convertir de l’énergie solaire, il est important d’absorber le rayonnement lumineux, mais également de pouvoir transférer cette énergie en un lieu donné. L’utilisation de ligands avides en électrons permet donc de diriger cette énergie en un lieu précis.

Dans le cadre de cette thèse de doctorat, nous nous sommes focalisés sur la synthèse de nouveaux ligands polyazaaromatiques qui devraient conférer des propriétés inédites aux complexes résultants. La première partie de cette thèse de doctorat a donc consisté à synthétiser des ligands polyazaaromatiques possédant un plan aromatique étendu. Nous avons mis au point une voie de synthèse pour obtenir des ligands tels que la 1,4,5,8-tétraazaphénanthrène-9,10-dione, précurseur du ligand 1,4,5,8-tétraazaphénanthrèno[9,10-b]1,4,5,8,9,12-hexaazatriphénylène (TAPHAT). Au cours de la synthèse de la 1,4,5,8-tétraazaphénanthrène-9,10-dione, nous avons également pu mettre au point une nouvelle méthode d’oxydation de noyaux de type quinoxaline à l’aide de dérivé d’iode hypervalent. Une fois la synthèse du ligand TAPHAT et des différents précurseurs effectuée, nous avons pu procéder à la synthèse des complexes de ruthéniumII. Le ligand TAPHAT, étant fortement insoluble et possédant quatre sites de chélation, nous avons décidé de procéder à la synthèse de complexes précurseurs pour préparer des complexes porteurs de ce ligand. Nous avons dès lors tenté d’obtenir les complexes précurseurs [Ru(TAP)2(diNH2TAP)]2+ et [Ru(TAP)2(tapdione)]2+. La synthèse de ces précurseurs a présenté de nombreux problèmes de chélation, donnant lieu cependant à des complexes très intéressants. Face à ces problèmes, nous nous sommes donc uniquement focalisés sur la synthèse du [Ru(TAP)2(diNH2TAP)]2+. Ce complexe précurseur a ensuite permis d’accéder à des complexes tels que le [Ru(TAP)2(HATPHE)]2+. Les complexes à base du ligand 9,10-diamino-1,4,5,8-tétraazaphénanthrène, à savoir le [Ru(TAP)2(diNH2TAP)]2+ et le [Ru(phen)2(diNH2TAP)]2+ ont ensuite été utilisés pour accéder aux complexes mono- et binucléaires symétriques du TAPHAT. Nous avons ensuite étudié les complexes à base du ligand PHEHAT ainsi que ceux à base du ligand TAPHAT et comparé leurs propriétés photophysiques, photochimiques et électrochimiques.

En plus de ces complexes à base de ligands PHEHAT et TAPHAT, nous avons également eu l’occasion de synthétiser des ligands analogues au ligand DPPZ. Nous avons synthétisé deux ligands plus étendus que le DPPZ, à savoir le DPQQX, dont la synthèse avait déjà été rapportée dans la littérature, et le PDPPZ. Bien que les complexes à base du ligand PDPPZ n’aient pas pu être purifiés au cours de cette thèse, nous avons tout de même pu obtenir les complexes [Ru(TAP)2(DPQQX)]2+ et [Ru(phen)2(DPQQX)]2+. Les études photophysiques, photochimique et électrochimiques ont permis de mettre en évidence de nombreuses propriétés intéressantes. De plus, des études poussées en résonance magnétique nucléaire 1H ainsi qu’en dichroïsme circulaire ont permis de montrer un processus d’auto-assemblage en solution.

Finalement, en plus de la synthèse de ligands polyazaaromatiques et de leurs complexes de ruthéniumII, nous avons également exploité la technique d’absorption transitoire dans le cadre d’une collaboration avec le laboratoire de résonance magnétique nucléaire. Cet axe de recherche s’est articulé autour de l’utilisation de deux complexes de ruthéniumII à savoir le [Ru(TAP)3]2+ et le [Ru(TAP)2(HAT)]2+. Ces complexes sont capables, sous illumination, de réaliser un transfert d’électron avec un réducteur. Ces processus de transfert d’électron photo-induit entre des réducteurs tels que la GMP, la N-acétyl-tyrosine, l’hydroquinone et les deux complexes de ruthéniumII ont été étudiés par les membres du laboratoire de résonance magnétique nucléaire à l’aide d’une technique dite Photo-Chemically Induced Dynamic Nuclear Polarization (Photo-CIDNP). Notre contribution a été d’investiguer les paramètres de quenching entre ces complexes et les différents réducteurs à l’aide de techniques classiques telles que la détermination de constantes de quenching via des analyses de type Stern-Volmer ainsi qu’à l’aide de techniques plus pointues telles que la photolyse éclair laser.