Résumé : L’épidémiologie de terrain peut être définie comme un ensemble de méthodes de collecte et de traitement de l’information combinant successivement les approches de l’épidémiologie descriptive mais aussi celles de l’épidémiologie analytique. La finalité de l’analyse descriptive sera de décrire et de quantifier la survenue du phénomène étudié dans une population donnée, permettant ainsi la formulation d’hypothèses préalables à la phase analytique. Phase, qui se focalisera sur les "associations" entre des "facteurs de risque" et la survenue du phénomène étudié. Dans la réponse aux questionnements posés ces deux phases les méthodes statistiques seront des outils incontournables. Afin que les résultats produits par ces analyses soient non seulement utiles mais aussi valables et utilisables, une bonne identification et une application adéquate des méthodes d’analyse s’avèreront primordiales.

A côté de ce constat méthodologique, il y a, dans le champ des traumatismes, tant en Belgique, qu’en pays en développement, la quasi absence d’informations pertinentes et rigoureuses pour documenter l’importance de cette problématique dans le champ de la santé. Pourtant, selon l’Organisation Mondiale de la Santé, plus de 5 millions de personnes décèdent des suites d’un traumatisme chaque année, avec 90% de ces décès survenant dans les pays à faible revenu ou à revenu intermédiaire. En Europe, les données montrent qu’une personne décède toutes les deux minutes des suites d’un traumatisme, et que pour chaque citoyen européen qui en meure, 25 personnes sont admises à l’hôpital, 145 sont traitées en ambulatoire et plus encore se font soigner ailleurs.

Au vu du double constat, qui est, d’une part, que les méthodes statistiques ne sont pas toujours exploitées correctement, et d’autre part, qu’il y a un manque d’informations appropriées et rigoureuses pour documenter l’ampleur du problème des traumatismes; ce travail de thèse poursuit l’objectif majeur, de montrer l’intérêt qu’il y a à appliquer de manière pertinente, adéquate et complète, des méthodes statistiques (univariées, multivariables et multivariées) adaptées aux différentes sources de données disponibles, afin de documenter l’importance des traumatismes, et des facteurs qui y sont associés, tant en pays industrialisés (exemple de la Belgique) qu’en pays en développement (exemple du Cameroun).

La partie classiquement appelée "résultats", correspond dans ce travail à deux chapitres distincts. Le premier fait la synthèse de ce qui a été objectivé par la revue de la littérature en termes de sources de données exploitées et de méthodes d’analyse statistique utilisées. Le second correspond à l’exploitation de quatre bases de données : une "généraliste et populationnelle" (First Health of Young People Survey - Cameroun), une "généraliste et hospitalière" (Résumé Hospitalier Minimum - Belgique), une "spécifique et populationnelle" (données issue de compagnies d’assurances belges), et une " spécifique et hospitalière" (Service SOS Enfants du CHU St Pierre - Belgique).

Les constats majeurs à l’issue de ce travail sont qu’il est possible de trouver dans le panel des méthodes statistiques "classiques", les méthodes nécessaires pour répondre aux questionnements de surveillance "en routine" en termes d’occurrence et de facteurs associés. L’accent devrait être mis sur une (meilleure) utilisation (justifiée, correcte et complète) de ces méthodes et sur une meilleure présentation (plus complète) des résultats. L’utilisation adéquate s’assurant d’une part, par une meilleure formation en méthodologie statistique pour les praticiens mais aussi par l’intégration, à part entière, des statisticiens dans les équipes de recherches. En ce qui concerne les sources de données utilisées, le potentiel d’information existe. Chaque source de données a ses avantages et ses inconvénients mais utilisées conjointement elles permettent d’avoir une vision plus globale du fardeau des traumatismes. L’accent devrait être mis sur l’amélioration de la disponibilité, la mise en commun mais aussi sur la qualité des données qui seraient disponibles. Dès lors, en vue de s’intégrer dans une dynamique de "Système de Surveillance des Traumatismes", une réflexion sur une utilisation globale (qu’elle soit couplée ou non) de ces différentes sources de données devrait être menée.

En Belgique, de nombreuses données, contenant de l’information sur les traumatismes, sont collectées en routine, au travers des données hospitalières, et ponctuellement, au travers de données d’enquêtes. Actuellement, ces données, dont la qualité reste discutable pour certaines, sont sous-utilisées dans le champ qui nous intéresse. Dans le futur, "plutôt que de ne rien savoir", il est important de continuer à exploiter l’existant pour produire et diffuser de l’information, mais cette exploitation et cette diffusion doivent s’accompagner non seulement de réflexion mais aussi d’action sur la qualité des données. En ce qui concerne l’utilisation des méthodes statistiques, nous préconisons une double approche : l’intégration et la formation. Par intégration, nous entendons le fait qu’il faut d’une part considérer le statisticien comme un professionnel ayant à la fois des compétences techniques pointues sur les méthodes, qui pourront être mises à disposition pour garantir le bon déroulement de la collecte et de l’analyse des données, mais aussi comme un chercheur capable de s’intéresser plus spécifiquement à des problématiques de santé publique, comme la problématique des traumatismes par exemple. Par formation, nous entendons le fait qu’il est essentiel d’augmenter et/ou de parfaire non seulement les connaissances des futurs professionnels de la santé (publique) en cours de formation mais aussi celles des praticiens déjà actifs sur le terrain et dès lors premiers acteurs de la collecte de l’information et de son utilisation dans une démarche de prise de décision, de détermination de priorité d’action et d’évaluation.

L’objectif majeur de ce travail de thèse était de montrer l’intérêt qu’il y a à appliquer de manière pertinente, adéquate et complète, des méthodes statistiques adaptées aux différentes sources de données disponibles, afin de documenter l’importance des traumatismes, et des facteurs qui y sont associés. En ayant discuté de l’existence de plusieurs sources potentielles de données en Belgique et en ayant appliqué une série de méthodes statistiques univariées, multivariables et multivariées, sur quelques-unes de celles-ci, nous avons montré qu’il était possible de documenter le fardeau des traumatismes au-travers de résultats utiles mais aussi valables et utilisables dans une approche de santé publique.