Résumé : La Langue française Parlée Complétée est un système peu connu du grand public. Adapté du Cued Speech en 1977, il a pour ambition d’aider les sourds francophones à percevoir un message oral en complétant les informations fournies par la lecture labiale à l’aide d’un geste manuel. Si, depuis sa création, la LPC a fait l’objet de nombreuses recherches scientifiques, peu de chercheurs ont, jusqu’à présent, étudié les processus mis en jeu dans la perception de la parole codée. Or, par la présence conjointe d’indices visuels (liés aux lèvres et à la main) et d’indices auditifs (via les prothèses auditives ou l’implant cochléaire), l’étude de la LPC offre un cadre idéal pour les recherches sur l’intégration multimodale dans le traitement de la parole. En effet, on sait aujourd’hui que sourds comme normo-entendants mettent à contribution l’ouïe et la vue pour percevoir la parole, un phénomène appelé intégration audio-visuelle (AV).

Dans le cadre de cette thèse nous avons cherché à objectiver et caractériser l’intégration labio-manuelle dans la perception de la parole codée. Le poids accordé par le système perceptif aux informations manuelles, d’une part, et aux informations labiales, d’autre part, dépend-il de la qualité de chacune d’entre elles ? Varie-t-il en fonction du statut auditif ? Quand l’information auditive est disponible, comment le traitement de l’information manuelle est-il incorporé au traitement audio-visuel ? Pour tenter de répondre à cette série de questions, cinq paradigmes expérimentaux ont été créés et administrés à des adultes sourds et normo-entendants décodant la LPC.

Les trois premières études étaient focalisées sur la perception de la parole codée sans informations auditives. Dans l’étude n° 1, le but était d’objectiver l’intégration labio-manuelle ; l’impact de la qualité des informations labiales et du statut auditif sur cette intégration a également été investigué. L’objectif de l’étude n° 2 était d’examiner l’impact conjoint de la qualité des informations manuelles et labiales ; nous avons également comparé des décodeurs normo-entendants à des décodeurs sourds. Enfin, dans l’étude n° 3, nous avons examiné, chez des décodeurs normo-entendants et sourds, l’effet de l’incongruence entre les informations labiales et manuelles sur la perception de mots.

Les deux dernières études étaient focalisées sur la perception de la parole codée avec du son. L’objectif de l’étude n°4 était de comparer l’impact de la LPC sur l’intégration AV entre les sourds et les normo-entendants. Enfin, dans l’étude n°5, nous avons comparé l’impact de la LPC chez des décodeurs sourds présentant une récupération auditive faible ou forte.

Nos résultats ont permis de confirmer le véritable ancrage du code LPC sur la parole et de montrer que le poids de chaque information au sein du processus d’intégration est dépendant notamment de la qualité du stimulus manuel, de la qualité du stimulus labial et du niveau de performance auditive.