Thèse de doctorat
Résumé : L’H2O2, produit en grande quantité dans la thyroïde, est depuis longtemps suspecté de jouer un rôle dans la pathogenèse des nodules et des cancers thyroïdiens. En effet, dans une situation pathologique où la production d'H2O2 serait excessive ou lors d’un défaut de protection par les enzymes de détoxification, l’H2O2 pourrait devenir toxique. In vitro, des quantités modérées d’H2O2 sont capables de provoquer des dégâts à l'ADN similaires à ceux induits par une irradiation de 1 Gy et peuvent même provoquer des réarrangements RET/PTC trouvés dans la plupart des carcinomes papillaires de la thyroïde.

La première partie de ce travail visait à mieux comprendre les mécanismes de protections qui pourraient être impliqués dans la défense contre les effets néfastes de l’H2O2 ainsi que le rôle de l’H2O2 dans la cancérogenèse thyroïdienne. Nous avons utilisé des cultures primaires de thyrocytes humains et nous les avons comparées à des lignées cellulaires de diverses origines ainsi qu’à des cultures primaires de lymphocytes T. Les résultats obtenus après traitement à l’H2O2 ont été comparés à ceux obtenus après irradiation, agent carcinogène connu.

Nous avons montré, grâce à une méthode fluorimétrique, que le thyrocyte était capable de dégrader de façon très efficace l’H2O2.

L’utilisation de L-buthionine-sulfoximine (BSO), un agent qui déplète la cellule en glutathion, a conduit à un abaissement du seuil d’observation des cassures de l’ADN (test des comètes) induites par l’H2O2 dans le thyrocyte ; ce qui suggère que la glutathion peroxydase (GPx) est impliquée dans la protection des thyrocytes en réponse à une agression par l’H2O2. Ceci a été confirmé par une augmentation de l'activité enzymatique de la GPx dans le thyrocyte une heure après une exposition à de l’H2O2 et pas après irradiation.

Une augmentation de l’expression de l’Hème oxygénase 1 (HMOX1) a été confirmée par RT-qPCR dans le thyrocyte après un traitement à l’H2O2. Ces résultats concordaient avec les résultats précédemment obtenus par microarray.

Les cinétiques de réparation de l'ADN ont montré que les dégâts à l'ADN étaient réparés plus lentement quand ils étaient provoqués par l’H2O2 que par l’irradiation. Les lymphocytes T sont incapables de réparer les dommages causés à l'ADN par l’H2O2.

Un pré-traitement des thyrocytes avec de l’H2O2 ralentit la réparation des dégâts à l’ADN induits par l’irradiation ce qui suggère une inhibition des enzymes de réparation en cas de stress oxydant.

La deuxième partie du travail a consisté à étudier la réaction de Fenton dans la thyroïde. En effet, un excès de fer libre a été suspecté d’être un facteur favorisant dans la génération de divers cancers dont le cancer thyroïdien. En présence d’H2O2, un excès de fer libre entraine la génération de radicaux hydroxyl, hautement réactifs (réaction de Fenton).

Nous avons mesuré les dégâts à l’ADN des thyrocytes pré-incubés avec des concentrations de FeSO4 compatibles avec la survie et traités avec l’H2O2. Une augmentation des dégâts à l’ADN et un ralentissement de leur réparation ont été observés dans les cellules. Les dégâts induits par l’irradiation n’étaient pas influencés par la présence de FeSO4.

Enfin, la troisième et dernière partie du travail a consisté à étudier les effets d’une irradiation causée par l’iode131 (I131) et de les comparer à ceux produits par une irradiation γ sur des thyrocytes humains en culture primaire ainsi que sur des lignées thyroïdiennes de rats (FRTL5 et PCCl3). L’irradiation par l’I131 produit moins de dégâts à l’ADN sur le thyrocyte, par le test des comètes, qu’une irradiation γ (Cs137) à doses irradiantes absorbées équivalentes. Un effet dose-réponse de l’irradiation par I’131 sur les lignées cellulaires (FRTL5 et PCCl3) est observé avec des activités radioactives faibles et des temps d’incubation courts.

En conclusion, le thyrocyte a développé plusieurs mécanismes de protection efficaces contre le stress oxydant, en particulier contre l’H2O2. Une augmentation du stress oxydant suite à un excès d’H2O2, de fer libre ou d’un défaut d’un des mécanismes de protection pourrait favoriser l'apparition de cancers sporadiques de la thyroïde.