Thèse de doctorat
Résumé : Les transfusions de globules rouges représentent le traitement principal de l’anémie. La décision de transfuser représente un vrai dilemme clinique. L’anémie et les transfusions de globules rouges sont toutes les deux associées à des risques et à un moins bon devenir des patients, alors que le bénéfice des transfusions sanguines reste difficile à démontrer. C’est pour cela que la décision de transfuser ne doit pas être pris à la légère et qu’elle doit tenir compte de la balance antre les risques des transfusions de globules rouges et les risques de l’anémie. L’anémie, définie comme un taux d’hémoglobine sous la moyenne pour l’âge, est fréquente chez les enfants en péri-opératoire de chirurgie cardiaque. Les conséquences de l’anémie sont une diminution du transport en oxygène vers les cellules. Le taux d’hémoglobine sous lequel la demande tissulaire en oxygène est compromise n’est pas connue et dépend de l’état de santé du patient et de ses comorbidités. Les causes peropératoires de l’anémie sont surtout le saignement et l’hémodilution. Une diminution de la production d’érythropoïétine endogène, une dérégulation du métabolisme du fer, une production défectueuse de la moelle et la répétition des prélèvements sanguins contribuent à l’anémie postopératoire. L’anémie est associée à des évènements indésirables et un moins bon devenir, mais cette association semble en grande partie expliquée par la pathologie sous-jacente, elle-même associée à l’anémie. Les transfusions en globules rouges sont fréquentes en chirurgie cardiaque pédiatrique. Le rapport bénéfice-risque des transfusions sanguines reste difficile à évaluer. Alors que les études rapportant des bénéfices clairs des transfusions sanguines restent rares, plusieurs travaux observent une association entre les transfusions en globules rouges et une augmentation de la morbidité et mortalité. En outre, les transfusions sanguines demeurent une ressource rare et chère.

Le but de ce travail est de contribuer à une meilleure utilisation des transfusions sanguines chez les patients de chirurgie cardiaque pédiatrique. Dans la première partie du travail, nous avons étudié les déterminants des transfusions en globules rouges et du saignement, qui représentent une des causes principales de transfusion sanguine chez ces patients. Une meilleure identification et une prise en charge adéquate des facteurs qui mènent aux transfusions sanguines devraient diminuer le nombre de transfusions inappropriées. Dans la deuxième partie de ce travail, nous nous sommes penchés sur l’association entre les transfusions sanguines et le mauvais pronostic des patients en étudiant deux approches : l’âge des globules rouges transfusés et l’indication transfusionnelle. Une meilleure compréhension des facteurs associés à un moins bon pronostic devrait permettre de mieux définir les patients qui bénéficieraient réellement de transfusions en globules rouges.

En ce qui concerne les déterminants des transfusions sanguines, nous avons démontré que l’anémie préopératoire était significativement associée aux transfusions sanguines péri-opératoires. Les enfants qui saignent reçoivent beaucoup de produits sanguins. Nous avons déterminé les patients à risque de saignement afin de les reconnaître et les soumettre à des tests de coagulation rapides pour orienter le type de produits sanguins à transfuser en fonction des anomalies de coagulation mises en évidence. Puisque l’anticoagulation par héparine est systématique chez les patients opérés sous circulation corporelle, nous avons étudié si notre protocole de neutralisation de l’héparine avec de la protamine était adéquat. En effet, la persistance d’héparine circulante ainsi qu’un surdosage en protamine sont associés à des saignements postopératoires. Un ratio protamine-héparine de 1:2 semble permettre une neutralisation adéquate de l’héparine chez la majorité des patients sans les exposer à un surdosage en protamine. Finalement, nous avons démontré qu’une stratégie transfusionnelle restrictive en postopératoire permettait de diminuer l’exposition aux transfusions sanguines sans augmenter la morbidité et mortalité de ces enfants. Cela signifie qu’on pourrait éviter des transfusions en globules rouges en prenant en charge l’anémie préopératoire, en développant un algorithme de prise en charge précoce du saignement peropératoire et en diminuant le seuil transfusionnel postopératoire.

La deuxième partie de ce travail avait pour but de préciser l’association qu’il existe entre les transfusions en globules rouges et la morbidité et mortalité postopératoire. L’âge du sang n’a pas l’air d’être un facteur influençant le pronostic des enfants opérés de chirurgie cardiaque. Par contre, ce travail a permis de montrer que c’est probablement l’indication transfusionnelle ou la raison qui mène à la transfusion, plutôt que la transfusion en elle-même qui est associée à un moins bon pronostic. L’association entre les transfusions sanguines et un moins bon pronostic est probablement surestimée par la présence de facteurs confondants comme l’indication transfusionnelle. Les transfusions en globules rouges seraient plutôt un marqueur de risque qu’un facteur de risque de mauvais pronostic.

En conclusion, ce travail contribue au développement de stratégies transfusionnelles plus rationnelles en chirurgie cardiaque pédiatrique. Reposant sur une approche multidisciplinaire, elles assurent une prise en charge structurée et orientée permettant de diminuer l’exposition des enfants aux produits sanguins, avec pour objectif une amélioration du pronostic et une réduction des coûts de prise en charge de ceux-ci.