Résumé : A l’instar de la plupart des villes de l’Europe du nord-ouest, Bruxelles connaît une expansion de son territoire sous l’impulsion de la croissance démographique urbaine durant la phase d’industrialisation du 19ème siècle. L’extension progressive du tissu bâti, qui signale l’urbanisation des faubourgs et des campagnes environnant la ville, pose la question du passage du statut de zone rurale, lieu de la production agricole, à celui de zone urbaine. Quel est le lien entre le processus d’urbanisation et les changements dans le statut, la structure et l’utilisation de la propriété ? Les mécanismes à l’origine de la transformation du territoire dépendent-ils de la concentration des ressources foncières ? La thèse interroge l’influence de l’appropriation et de la concentration foncières dans la dynamique d’expansion urbaine et leur capacité à structurer l’espace urbain en formation. En effet, on trouve à la fin du 19ème siècle autour de Bruxelles des situations de concentration de la propriété du sol au profit de certains groupes et institutions appartenant à l’élite sociale, politique et économique. La propriété foncière, contenant une dimension inertielle forte qui se marque aux niveaux spatial, temporel et social, le problème est étudié à travers l’observation sur le temps long du devenir des grands domaines bruxellois. Afin de comprendre l’impact de la structure foncière sur les modalités de la construction du tissu urbain et sur les types de quartiers émergeants, l’analyse considère les caractéristiques propres de la propriété foncière affectant son fonctionnement comme ressource : son origine, sa formation, son mode de gestion et de transmission, son occupation, sa localisation et son degré de division. Le travail explore, par ailleurs, la place des propriétaires dans les mécanismes à l’origine de la production du bâti et la manière dont les réserves foncières sont gérées, conservées ou mises à profit par les propriétaires et par les acteurs secondaires. L’analyse se base sur la collecte d’un grand nombre de données cadastrales pour la période de 1860 à 1950 et sur la comparaison avec différents types d’archives et documents cartographiques. L’identification des grands propriétaires, révèle les liens entre leur statut social, les origines des grandes propriétés et l’orientation fonctionnelle et morphologique du tissu bâti. Les résultats indiquent que la présence de grandes propriétés en périphérie de la ville se traduit par un retard de l’urbanisation, tandis que les caractéristiques des projets développés sur ces terres apparaissent reproduire et renforcer les différentiations socio-spatiales de la ville ancienne en les étendant au nouvel espace de la ville.