Résumé : Pays en voie de développement, la République Démocratique du Congo est confrontée à des nombreux problèmes sociaux auxquels les pouvoirs publics tentent d’apporter des solutions sur base d’une échelle de priorités définies par des choix politiques. Parmi ces priorités sociales politiquement déterminées, la prison comme dernier maillon de la chaine pénale ne semble pas encore figurer en bonne place malgré des sporadiques déclarations d’intention généralement non suivies d’action concrète conséquente. Il est de la sorte évident de constater que les établissements pénitentiaires congolais en général et la prison centrale de la Kasapa en particulier se trouvent dans un état de dégradation depuis plusieurs décennies : délabrement des bâtiments carcéraux, mauvaises conditions matérielles de détention, mauvaises conditions de travail pour le personnel de garde en nombre manifestement insuffisant, etc. C’est dans ce contexte social particulier que nous avons essayé de saisir, par une approche qualitative inductive, comment l’unique prison de la ville de Lubumbashi arrive à s’adapter aux contraintes spécifiques de son environnement (interne et externe) pour remplir sa mission sécuritaire de garde (évitement des évasions et des troubles graves intramuros), et quelles sont les pratiques de survie et de débrouille que développent respectivement les détenus et le personnel de garde. La thèse s’articule autour de deux parties. La première pose le cadre méthodologique en explicitant les choix opérés ainsi que les questionnements réflexifs qui se sont imposés durant les phases d’immersion. La deuxième partie présente les différentes stratégies d’adaptation en lien avec différentes thématiques classiques telles que l’organisation sécuritaire et la gestion de la discipline, les conditions matérielles de détention, les visites et autres formes de contact avec le monde extérieur, le travail pénitentiaire, les activités socioéducatives et loisirs, etc. L’adaptation aux objectifs sécuritaires de la prison centrale de la Kasapa ainsi que les stratégies de survie et de débrouille se réalisent à travers les interactions sociales dans lesquelles sont impliquées les acteurs caractérisant par définition l’univers carcéral : les gardés et les gardiens. Les interactions sociales sécuritaires s’expriment notamment en termes de participation ou de collaboration de certains détenus à des tâches de surveillance de la population détenue. Ces détenus surveillants se dressant comme une sorte de troisième groupe social à cheval entre la population détenue et le personnel pénitentiaire. Les pratiques de survie et de débrouille prennent pour l’essentiel la forme des échanges de type économique et/ou social intramuros. Ces échanges impliquant tant les détenus que le personnel pénitentiaire, dépendent en grande partie des contacts que la prison (gardiens et gardés) a avec le monde extérieur qui est principalement représenté par les visiteurs des détenus.