par Bazan, Ariane ;Detandt, Sandrine ;Askari, Sarah
Référence Evolution psychiatrique, 81, 4, page (777-787)
Publication Publié, 2016
Article révisé par les pairs
Résumé : Objectifs. – (1) Cet article vise à articuler une définition du concept Lacanien de la jouissance de façon à ce qu’il puisse faire sens au niveau physiologique et à étayer une proposition d’une instanciation de la jouissance au niveau physiologique.Méthode. – (1) Par la lecture de l’œuvre Freudienne et Lacanienne, la distinction de quatre aspects du concept est effectuée : au niveau du corps (a) de la pulsion, (b) de l’événement de satisfaction et (c) de l’excès de tension corporelle, et, au niveau de l’histoire, (d) l’empreinte historique. (2) Cette grille d’analyse est appliquée dans le domaine des neurosciences.Résultats. – (1) La jouissance se présente tant comme (a) la tension motrice sous-tendant l’action satisfaisant la pulsion, (b) le vécu qui accompagne l’évènement de satisfaction inaugurale, (c) l’accumulation de tension corporelle à la rencontre du Das Ding ou à la reviviscence de l’état de vœux que comme (d) ce qui marque le corps avec l’histoire de sa commémoration et ce qui, à partir de cette inscription, pousse à agir et à répéter. (2) Le circuit mésolimbique dopaminergique qui relie les parties les plus archaïques dans le tronc cérébral avec les cortex moteurs les plus évolués en passant par l’interface névralgique du noyau accumbens dans le système limbique, sous-tend à chaque fois ces quatre aspects distincts: (a) il a été caractérisé précédemment comme l’instanciation de la pulsion freudienne ; (b) la satisfaction non-anticipée est scellée par une libération de dopamine jubilatoire ; (c) à partir de là, chaque nouvelle rencontre annonçant le renouvellement de lasatisfaction induit une libération de dopamine quimet le corpssoustension d’agir ;(d) précisément ce système peut inscrire par des adaptations neuronales à long terme une hypersensibilité pour l’agir précédemment scellée par une libération de dopamine. Qui plus est, ce système, qui dissocie l’agir du résultat de cet agir, implique structurellement son dérapage, le dit autoshaping, tout comme la jouissance implique un dérapage au niveau clinique.Discussion. – Si notre réflexion porte sur « une physiologie de la jouissance », l’idée n’est pas de présenter ce corrélat physiologique comme la jouissance chez Lacan, puisque cette jouissance relève de la clinique et que, dans l’approche épistémologique proposée, la clinique permet une interprétation du physiologique, mais non l’inverse – la physiologie ne permet pas l’interprétation de ce qui se joue au niveau psychique.Conclusion. – Le système mésolimbique dopaminergique semble un bon candidat pour une instanciation au niveau physiologique du concept de jouissance ; en contrecoup, cette instanciation physiologique corrobore la cohérence théorique du concept établi cliniquement.