par Naftali, Patricia
Référence Revue québécoise de droit international, page (101-128)
Publication Publié, 2015-12-05
Article révisé par les pairs
Résumé : Cet article interroge la rhétorique de la complémentarité entre les tribunaux pénaux et les commissions de vérité à la lumière de la formalisation d’un « droit à la vérité » dans le discours du droit international. Autrefois perçus comme des dispositifs qui s’excluent mutuellement, ils sont aujourd’hui célébrés par la communauté internationale, ainsi que les militants des droits humains et de la justice transitionnelle, comme « complémentaires » dans la lutte contre l’impunité. Cet article révèle, au-delà du consensus sur la complémentarité, la perdurance de la compétition entre commissions de vérité et la justice pénale à mesure que les entrepreneurs de vérité s’efforcent de négocier les contours du « droit à la vérité » en droit international. Il met d’abord en lumière le rôle des promoteurs globaux du « droit à la vérité » dans la consolidation de la théorie de la complémentarité. Toutefois, il souligne ensuite leurs visions concurrentes de la complémentarité et examine les tensions qui entourent la formalisation du « droit à la vérité » par rapport à la justice pénale et aux amnisties. Enfin, il suggère les raisons pour lesquelles ces tensions sont néanmoins accommodées dans le discours de la complémentarité, en particulier dans le contexte de l’émergence d’une ère et d’une industrie globale centrées sur la « vérité », caractérisée par la montée de nouveaux types d’expertises, de pratiques et de technologies de recherche de vérité spécialisées dans l’établissement et le jugement des crimes de masse.
This paper questions the rhetoric of complementarity between truth commissions and criminal courts in the light of the normalization of a “right to truth” in international legal discourse. Once regarded as mutually exclusive institutions, they are now praised by the international community, human rights and transitional justice advocates as complementary in the fight against impunity. This paper reveals, beyond the consensus on complementarity, how the competition between truth commissions and criminal justice continues as truth advocates strive to negotiate the contours of the “right to truth” in international law. First, it highlights the role of global promoters of the “right to truth” in consolidating the theory of complementarity before international bodies. However, it then stresses their competing visions of complementarity and examines the tensions surrounding the normalization of the “right to truth” in relation to criminal justice and amnesties. Finally, it discusses why these tensions are nonetheless accommodated through the discourse on complementarity, especially in the context of an emerging “truth order” and globalized truth “industry” characterized by the rise of new types of expertise, practices and truth-seeking technologies concerned with the ascertainment and adjudication of mass atrocities.