Article révisé par les pairs
Résumé : Cherchant à questionner l’« architecture durable » sous l’angle de sa portée critique, nous nous appuyons sur le courant dit cognitiviste de la sociologie de l’action publique, qui insiste sur les dimensions cognitives de la construction des problèmes publics. Dans ce pan de la sociologie, l’enjeu scientifique consiste en l’étude des évolutions des modalités de l’action justifiées au nom du durable. La ville et l’architecture constituent alors des terrains d’étude. A contrario, nos recherches entendent questionner les mutations de l’architecture justifiées au nom du développement durable par l’analyse de l’action publique. Cette inversion de l’angle de lecture implique une série de distanciations vis-à-vis de la sociologie de l’action publique, tout en orientant la manière dont la question architecturale est abordée. En particulier, la mise en exergue de ses dimensions politiques et cognitives nous amène à considérer l’architecture comme une technologie de gouvernement. Cet article vise à mettre à l’épreuve cette rencontre entre architecture et sociologie cognitiviste de l’action publique par l’analyse de l’appel à projets bâtiments exemplaires, elle-même abordée à travers les modalités de construction de l’intérêt général. Cette analyse met en évidence le fait que les bâtiments exemplaires constituent des instruments de régulation à part entière, au-delà de l’appel à projets à proprement parler. Elle illustre également l’influence de cette utilisation sur la signification du référentiel d’architecture durable, le faisant glisser d’un espace de mise en questionnement à un espace de mise en œuvre de solutions stabilisées.