Travail de recherche/Working paper
Résumé : Après plus de soixante ans d’histoire migratoire en Belgique de l’après-guerre, les profils, les questions et les enjeux relatifs aux femmes immigrées ont connu de profondes transformations. Les femmes italiennes, espagnoles et grecques des premières vagues ouvrières ont, fait place aux femmes maghrébines (Maroc, Tunisie, Algérie), turques et yougoslaves et ont acquis, entre-temps, le statut de citoyennes européennes à part entière. Le binôme « Femmes immigrées » est devenu synonyme de femmes marocaines et turques, et les questions liées à leur condition féminine se sont progressivement réduites à la dimension culturelle ; la culture musulmane devenant l’argument explicatif des inégalités les touchant y compris pour leurs descendantes (désormais trois générations) nées sur le territoire belge. Les domestiques « clandestines », les travailleuses du sexe et les déte- nues des centres fermés ont remplacé l’image rassurante des mères de familles venues soutenir leur époux mineur ou ouvrier de la sidérurgie offrant le confort et la sécurité d’une famille. Ces femmes « victimes » mais « indésirables » sont, comme l’ensemble de l’immigration, criminalisées depuis la fermeture des frontières en 1974 et la montée des partis politiques d’extrême droite, à la fin des années 1980.Le combat des femmes immigrées et leurs descendantes n’est pas si différent de celui poursuivi par l’en- semble des femmes. Un des véritables défis de leur lutte est précisément de montrer le caractère universel de l’oppression qu’elles subissent à travers le patriarcat. Dans un contexte où tout contribue à distinguer, opposer et hiérarchiser les groupes sur une base sociale (classe) ou culturelle (religion, langue), un des enjeux majeurs est de savoir comment mieux faire apparaître les traits communs à la condition féminine et faire converger les luttes contre les inégalités que subissent encore de nombreuses femmes dans nos sociétés ?