Résumé : L’ULB-IGEAT a été mandaté par le SPF Mobilité et Transports pour objectiver les évolutions survenues suite à la mise en service des nouvelles procédures aériennes à l’aéroport de Bruxelles le 6 février 2014. Cette étude est complémentaire d’une étude « modèle de bruit » en cours de réalisation par le Laboratorium voor Akoestiek en Thermische Fysica de la KUL.Sur base des tracés radars de Belgocontrol (avant et après la mise en œuvre des nouvelles procédures le 6 février 2014), de données démographiques, de statistiques fiscales et de pièces écrites, nos conclusions sont les suivantes :1. Impacts du plan Les nouvelles procédures aériennes se sont traduites par deux changements majeurs : a) La réduction du survol des marges de la Région de Bruxelles-Capitale (RBC) et de sa périphérie :- principalement les marges orientales et l’Oostrand, pour lesquels la part des décollages est passée de 49,9 % à 13,3 % ; - secondairement, le Noordrand et le Ring Occidental, pour lesquels la part des décollages est passée de 42,8 % à 41,1 %.b) Le déplacement des avions vers des quartiers densément voire très densément peuplés de la RBC au travers essentiellement de deux routes : - la route du Canal dont l’usage s’est fortement intensifié ;- la nouvelle route Evere – Schaerbeek – Etterbeek – Auderghem – Watermael-Boitsfort (appelée dans le jargon Sopok – Rousy – Pites), qui impacte également l’ouest de Woluwe-Saint-Lambert et de Woluwe-Saint-Pierre. Le trafic cumulé de ces deux routes fait que 45,6 % des décollages ont aujourd’hui lieu au-dessus des quartiers denses voire très denses de Bruxelles, contre 7,3 % avant le 6 février 2014.En termes démographiques, le nombre total de personnes impactées par le survol des avions jusqu’à un éloignement de 20 km à partir de l’aéroport peut être estimé comme suit : - 405 700 habitants pour la nouvelle route Evere – Schaerbeek – Etterbeek – Auderghem – Watermael-Boitsfort ;- 392 300 habitants pour la route du Canal ;- 142 700 habitants pour la route vers le Noordrand – Ring Occidental ;- 130 500 habitants pour l’ancienne route du virage à gauche vers l’Oostrand.Selon nos méthodes de calcul et compte tenu de la densité de population plus élevée des quartiers nouvellement survolés, la population exposée au bruit a été multipliée par : - Un facteur 3,1 pour la nouvelle route Evere – Schaerbeek – Etterbeek – Auderghem – Watermael-Boitsfort par rapport au virage à gauche historique vers l’Oostrand ;- Un facteur 3,0 pour la route du Canal par rapport au virage à gauche historique vers l’Oostrand ;- Un facteur 2,7 pour la route du Canal par rapport à la route du Noordrand et du Ring occidental.En outre, il apparaît que la route Canal est une solution presque aussi mauvaise que la route Chabert qu’elle remplace depuis 2012, selon le nombre d’habitants impactés.En termes sociaux, l’étude montre également que le déplacement des nuisances, illustrés par les chiffres ci-dessus, s’est traduit par une amélioration de la qualité de vie dans des quartiers à haut revenus (dorénavant moins survolés) et une dégradation dans des quartiers souvent pauvres, voire très pauvres, ou intermédiaires de Bruxelles (dorénavant plus survolés).En termes de sécurité publique enfin, le survol des quartiers urbains densément habités implique que les conséquences d’un accident seraient d’autant plus dramatiques. 2. Processus de décisions et de mise en œuvreNous avons par ailleurs cherché à comprendre dans quelle mesure le plan actuel était conforme aux accords du gouvernement. De cette analyse ressortent deux éléments problématiques : a) Le Conseil des Ministres du 26 février 2010 a effectivement décidé de « procéder aux modifications de procédures de vol », mais « en suivant la procédure fixée dans l’avant-projet de loi sur le cadre d’exploitation de l’aéroport de Bruxelles-National ». La version alors présentée au Conseil des Ministres de cet avant-projet de loi prévoyait une étude détaillée des incidences environnementales (incluant notamment l’impact sonore et sur la santé) et des procédures de concertation et d’information publique durant 60 jours (avec parution des dates aux Moniteur belge). Force est de constater que cette procédure n’a pas été respectée, alors même que l’Accord de Gouvernement du 1er décembre 2011 prévoyait que « Les décisions des conseils des ministres des 19 décembre 2008 et 26 février 2010 dans le cadre de la gestion des nuisances sonores à l’aéroport de Bruxelles-National seront entièrement exécutées. »b) Les discussions sur les procédures aériennes — entre autres lors de réunions d’inter-cabinets tenues en 2012 — ont eu lieu sur base de cartes de Belgocontrol présentant une situation existante mal cartographiée. Ceci a pu induire les participants en erreur, d’autant que « ces documents sont remis en séance afin de pouvoir se forger une opinion ».3. Perspectives à court et moyen termea) À court terme : l’arrivée de l’été porte en elle les germes d’une aggravation de la situation liée à trois facteurs concomitants :- une certaine augmentation du nombre de vols ;- le fait qu’avec la chaleur, les avions prennent plus lentement de l’altitude ;- le fait qu’été implique activités extérieures et fenêtres ouvertes.b) À moyen terme : le survol des quartiers denses nous apparaît comme la porte ouverte au survol de n’importe quel espace urbain dense, créant ainsi une insécurité potentielle pour tous les quartiers. Si une route Evere – Schaerbeek – Etterbeek – Auderghem – Watermael-Boitsfort peut être créée sans que les signaux d’alarme ne s’allument, rien n’empêche une route Evere – Uccle ou une route Neder-Over-Heembeek - Koekelberg – Molenbeek – Anderlecht.Si l’objectif est de limiter le survol « au-dessus de zones fortement habitées », nous ne voyons guère d’autres solutions que de :1. Répartir les vols entre les marges et périphéries Nord et Est de Bruxelles, ce qui revient à :- supprimer à court terme les routes Canal sans réactiver pour autant la route Chabert ;- rétablir l’ancienne route Sopok-Rousy-Pites vers Huldenberg depuis la piste principale 25R avec virage à gauche relativement serré, tel qu’il fut en service entre le début des années 1970 et le début du mois de février 2014.Sur base de la répartition des vols de janvier 2014, ceci conduirait à une répartition quasi équivalente du nombre de vols entre le Nord et l’Est.2. Étudier sans tabou de nouvelles procédures aériennes, mais cette fois en respectant d’emblée le critère de survol minimisé des espaces densément peuplés. L’annexe 2 en donne un exemple potentiel, parmi d’autres.3. Développer une stratégie aéroportuaire au niveau du pays.