par Dessy, Clément ;Stiénon, Valérie;van Nuijs, Laurence
Référence Sociologie du style littéraire (sixièmes journées d'étude du groupe COnTEXTES) (9-11 avril 2014: Université libre de Bruxelles)
Publication Non publié, 2014-04-09
Communication à un colloque
Résumé : Posée à la littérature, la question du style a, de longue date, suscité engouements et suspicions. Le style littéraire est aujourd’hui considéré comme la trace écrite de l’individu et l’indice d’une distance à l’égard de la langue commune. Une telle conception participe pleinement d’une modernité littéraire ayant érigé la singularité et la nouveauté en valeurs esthétiques. En ce sens, elle est aussi le résultat d’une révision importante, à partir du milieu du XIXe siècle, de l’idéal d’un « style parfait », entendu comme un « bien écrire régi par des règles valables pour tous, respectueux de principes qui semblent défier le temps et les plumes » (Philippe 2013 : 2). Au cours de cette évolution épistémique, de norme, le style devient vecteur de création. La transition a été identifiée tantôt en termes d’« autonomisation » du champ littéraire (Bourdieu), tantôt sous l’angle du « passage d’une littérature-discours à une littérature-texte » (Vaillant) et d’un affranchissement de la rhétorique (Philippe). Dès 1753, Buffon soutient dans son Discours sur le style que « le style est l’homme même », le définissant comme la marque textuelle d’une intériorité auctoriale contrastant avec le caractère commun et extérieur des faits traités. Au cours du XIXe siècle, ces considérations sont passées sous la plume des auteurs eux-mêmes, comme l’attestent la préface d’Edmond de Goncourt à Chérie, qui revendique pour l’écrivain « une langue personnelle, une langue portant [sa] signature », et la conception de Marcel Proust, formulée dans une lettre à madame Straus de 1908, selon laquelle « la seule manière de défendre la langue, c’est de l’attaquer ». L’actualité de la recherche est animée par la question du style à travers de nouvelles perspectives qui proposent de l’étudier de manière extensive, qu’il s’agisse de l’orienter dans une perspective transdisciplinaire empruntant volontiers à l’anthropologie ou de lui conférer une dimension existentielle propre à rendre compte du vécu intime des formes et de leurs significations. Parmi ces approches qui réévaluent la part d’individualité, de créativité ou d’originalité que désigne la notion de style, la sociologie de la littérature n’est pas en reste. Pourtant, le style semble constituer pour elle un point aveugle ou un impensé, sur fond du reproche récurrent qui lui est adressé de négliger la « surface verbale » du texte littéraire (Barthes). C’est donc aux différentes possibilités d’étudier le « style littéraire » en sociologie de la littérature qu’est dédié le présent colloque. Si une place lui a été réservée par la rhétorique et si une discipline à part entière lui a été consacrée, le style semble encore résister à une approche sociologique. Les principaux points d’achoppement concernent l’intégration, dans l’analyse stylistique, des conditions matérielles de production et de réception d’une œuvre, ainsi que les corrélations à établir entre les ordres socio-économique et esthétique. De nombreuses questions restent ainsi posées : comment rendre compte des variations significatives qui engagent à la fois des conceptions artistiques et la structure du champ littéraire ? existe-t-il des définitions concurrentes du style, circulant à un même moment ? comment la sociologie littéraire peut-elle rendre compte des étapes d’une évolution qui va du respect de la norme du bien écrire à la multiplication des expressions individuelles ?