par Jacquet, Antoine
Référence Sur le journalisme, 3, 1, page (182-195)
Publication Publié, 2014-04-15
Article révisé par les pairs
Résumé : Le public a tendance à être sévère à l’égard du français des journalistes, qui constitue à la fois le reflet et le modèle de la langue de la société. Vérifier la validité de ces critiques par une approche scientifique pose des problèmes méthodologiques importants. En s’inscrivant dans une autre voie, cet article s’attache au discours métalinguistique des journalistes. Il vise à comprendre la manière dont les journalistes considèrent le français qu’ils utilisent dans leur pratique professionnelle, au travers de la « relation » qui les lie à leur public. Nous avons interrogé 15 journalistes belges francophones. Il ressort de nos entretiens que les médias dans lesquels travaillent ces journalistes ne développent pas de politiques linguistiques fortes. Néanmoins, le français des médias est largement autorégulé par une série de facteurs. Parmi ceux-ci figure le public, ou plutôt les attentes de ce public, telles qu’elles sont imaginées par les journalistes.En effet, les journalistes justifient souvent leurs attitudes linguistiques par des considérations directement liées à leur public. D’abord, la volonté d’être crédible auprès de leur public incite les journalistes à une correction de leur langage. Cette correction constituerait également une forme de respect envers le public. Ensuite, les journalistes sont sans cesse préoccupés par l’intelligibilité de leurs productions : ils veulent être compris par un public le plus large possible, ce qui conditionne leur usage de la langue. Par ailleurs, ils semblent investis d’une volonté d’être pédagogues en matière de langue, et mettent en avant leur devoir d’utiliser un français exemplaire. Enfin, les journalistes ne veulent manifestement pas parler comme leur public, mais conformément à ce que ce public attend d’eux.Au final, faire parler les journalistes de la langue revient inévitablement à les faire parler de leur public.
French-speaking Belgians tend to be harsh judges of journalists’ use of language, which serves both as a reflection and a model in society. Validating these criticisms by way of a scientific approach poses significant methodological problems. Taking a different tack, this article focuses on the metalinguistic discourse of journalists and aims to understand how journalists view the language they use professionally through the “relationship” that binds them to their public.We interviewed fifteen Francophone Belgian journalists. Our interviews show that the media in which these journalists work do not adhere to strong language policies, but rather rely on self-regulation governed by a series of other factors. Among these is the public, or more precisely public expectation, as presumed by journalists. Indeed, journalists often justify their linguistic choices by invoking considerations directly related to their public. First, their desire to be credible to their audience encourages journalists to use correct language and constitutes a form of respect for the public. Journalists are also unwaveringly preoccupied with the intelligibility of their product – they want to be understood by the widest possible audience, which influences their use of language. Moreover, they seem invested with a desire to instruct in all matters of language, and prioritize their duty to use an exemplary French. Finally, though journalists have no desire to talk like their audience, they certainly want to conform to their expectations. And above all, talk to journalists about language and inevitably the talk turns to their public.