par Beucher, Benoit
Référence Annuaire français des relations internationales - AFRI, 12, page (687-701)
Publication Publié, 2011-01-01
Article révisé par les pairs
Résumé : L’actualité récente fait beaucoup parler du Burkina Faso, ancienne Haute-Volta. Impliqué dans le règlement du dossier ivoirien, togolais, guinéen ; négociateur auprès d’Al-Quaïda au Maghreb islamique (Aqmi) afin d’obtenir la libération d’otages, le « petit » Burkina occupe incontestablement un large espace dans le champ des recompositions géopolitiques à l’échelle sous-régionale1. Pourtant, cet État, enclavé au cœur de l’Afrique de l’Ouest, est l’un des plus pauvres du monde. Sa population est dense mais relativement peu importante. Sa capacité d’intervention militaire est plus que modeste2. Néanmoins, ce pays est à l’origine d’une diplomatie active, particulièrement ambitieuse de surcroît. Sans disposer pleinement du leadership régional qu’il convoite, le Burkina n’est pas moins un acteur qui compte dans son environnement géopolitique proche. Hélas, les coups de projecteurs jetés de façon très ponctuelle, au gré d’une actualité capricieuse, par les médias sur le pays, ont tendance à occulter toute analyse des processus de longue ou moyenne durée qui permettrait de rendre compte des lignes de force de sa diplomatie. Nous proposons ici une contribution qui, nous l’espérons, viendra pallier en partie cette lacune. L’enjeu est bien de dégager les éléments structurants de la diplomatie burkinabè à l’échelle de l’Afrique de l’Ouest, ce malgré l’instabilité chronique de la vie politique intérieure du pays, ainsi qu’un contexte international mouvant. Notre lecture « panoramique » couvre près d’un siècle et nous conduira tout d’abord à évoquer la naissance du territoire voltaïque ainsi que son avènement sur la scène internationale entre la fin du XIXe siècle et les années 1970. Puis, nous montrerons que les années 1980, marquées par la révolution sankariste, constituent un tournant majeur permettant de dégager l’origine immédiate des inflexions que connaît la diplomatie burkinabè depuis l’avènement du président Blaise Compaoré (1987-...). Entre la fin des années 1980 et le tout début des années 2000, celle-ci est caractérisée par une stratégie de déstabilisation de pays « voisins » dans une perspective de conquête du leadership politique en Afrique de l’Ouest. Puis, dans une dernière partie, nous évaluerons les rentes politiques que le Burkina tire de ces ingérences et surtout de sa position d’interlocuteur clé dans la résolution de conflits qu’il a parfois lui-même contribué à attiser.