par D'Hoop, Ariane
Référence Colloque “Ethnographies bruxelloises” (2013-11-27: Facultés Saint-Louis, Bruxelles)
Publication Non publié, 2013-11-27
Communication à un colloque
Résumé : Le secteur de la santé mentale à Bruxelles se caractérise par un réseau associatif dense et hétérogène, marqué par de nombreux échanges qui furent portés par des mouvements tels que l’antipsychiatrie ou la psychothérapie communautaire. Depuis plusieurs décennies, le développement des structures de soins résulte en une grande dynamique de réinventions des lieux au fil des évolutions de la pratique thérapeutique et des croissances de ces institutions dissimulées dans le tissu urbain. Aujourd’hui, les lieux de soins psychiatriques bruxellois prennent des formes diverses d'abord parce qu’ils occupent différents rôles au sein d’un fonctionnement en réseau : outre les centres de santé mentale qui soignent les personnes en ambulatoire (consultation), les services hospitaliers aigus tentent, quant à eux, de ne les prendre en charge que lors de moments de crise ; les centres de jour, de nuit, ou d’activité visent leur réhabilitation ; les maisons de soins psychiatriques et les habitations protégées envisagent le logement et l’accompagnement quotidien à long terme. De plus, au regard de la réalité matérielle de ces lieux, il n'y a pas de typologie architecturale reconnaissable, mais des espaces particuliers selon leur ancrage historique, leur développement intra- ou extra-hospitalier et leur subordination à différents pouvoirs. Surtout, c’est à chaque fois un ensemble d’acteurs – pour ne citer que les soignants et patients, administrateurs, techniciens internes, architectes – qui sont impliqués à des degrés divers dans le façonnement de l'édifice et de ses aménagements, dans un souci d'ajuster les projets thérapeutiques aux demandes locales. S’intéresser aux lieux de la psychiatrie à Bruxelles, c’est alors découvrir des sites hospitaliers à fonctions multiples, des unités en hôpital général, des maisons d’habitation, des établissements hérités du C.P.A.S. ou de confréries religieuses qui ont progressivement été transformés en espaces de soin, de réhabilitation, d’accompagnement. Mais c’est aussi reconnaître les différents apports d’acteurs impliqués dans les questionnements soulevés et les réponses données lors de ces changements. L’étude ethnographique de ces lieux me permet, en suivant quelques-unes de ces innovations à une échelle locale, d’identifier les questionnements des acteurs impliqués dans leurs transformations, et de comprendre comment ils y répondent dans le cours de l’action. Il ne s’agit pas d’analyser le lieu comme la représentation d’une idéologie thérapeutique, ni comme une œuvre architecturale, mais de montrer, à partir d’exemples détaillés de transformations situées, comment les différents acteurs s’en emparent et négocient le façonnement du lieu conformément à une pratique soignante. Suite au déplacement entre plusieurs scènes de transformation dans des institutions bruxelloises, j'y retrouve, plutôt que de modèles, des questionnements similaires qui reçoivent d'autres réponses – soit d'autres solutions matérielles et d’autres procédés de leur mise en œuvre – révélant ainsi différentes logiques soignantes qui contrastent les unes par rapport aux autres. Il s’agira alors de présenter ces contrastes à partir de scènes de transformations, en tenant compte des spécificités de chacune d’entre elles. Ma méthode ethnographique n’est pas préconçue mais inventée en collaboration avec les personnes et les conditions rencontrées dans chaque lieu. Concrètement, ma mise en perspective des lieux – par des observations, croquis, plans, entretiens - est renvoyée aux personnes et discutée afin de prolonger l’exploration à partir d’une proposition conjointe. Il s'agit de ne pas tomber dans une participation forcée, mais de travailler l’intéressement mutuel pour élaborer ensemble les actions de recherche, qui rendent alors visibles les spécificités locales dans la production de connaissance.