Direction d'ouvrage
Résumé : Quelle place les femmes auteurs occupent-elles dans l’histoire littéraire ? Depuis plusieurs années, ce questionnement se trouve au cœur de la recherche sur les femmes écrivains et constitue l’une des problématiques soulevées par les études de genre (gender studies). Mettant en évidence l’invisibilité historiographique des femmes auteurs, l’objectif des travaux qui s’inscrivent dans cette perspective est généralement double : enrichir le patrimoine littéraire et remettre en question l’universalité du « canon », en révélant les mécanismes d’exclusion d’ordre sexué. L’invisibilité des écrivaines au sein de l’histoire littéraire invite en effet à une réflexion sur les découpages qui structurent cette histoire (périodisation, écoles, « vie et œuvre », etc.) et sur leur inadéquation aux trajectoires littéraires de femmes. On peut dès lors se demander quels seraient les outils, les réflexions et les méthodes invitant à réintégrer les femmes dans l’histoire littéraire et, ce faisant, à produire une histoire littéraire mixte. C’est dans la lignée de ces recherches que s’inscrit la présente livraison de Textyles, en proposant d’interroger le corpus des femmes auteurs belges sous un angle à la fois littéraire, socio-historique et historiographique. Si ces dernières années ont été marquées en Europe par la publication d’un nombre croissant d’études sur la littérature des femmes, force est de constater que le terrain reste en effet encore largement inexploré pour la Belgique. Par-delà les mécanismes d’ordre sexué, ce dossier entend donc questionner à la fois les spécificités locales et les effets de marginalisation sexuée et nationale. Les articles ici réunis explorent deux périodes clés dans l’émergence et la reconnaissance d’une « littérature féminine » en Belgique, perçue ou/et revendiquée comme telle : le tournant du siècle et l’après-guerre, moments marqués par les combats et revendications féministes. Y sont tantôt mises en lumière des figures oubliées de nos lettres (Jean Berlaer, Marguerite Coppin, Marguerite Van de Wiele, etc.), tantôt examinées, sous l’angle de leur place dans l’histoire littéraire, ses représentantes les mieux connues (Madeleine Bourdouxhe, Jacqueline Harpman, Suzanne Lilar, Caroline Lamarche, etc.).